La Réserve Fédérale américaine (Fed) ainsi que la Banque Centrale Européenne (BCE) vont, selon toute vraisemblance, augmenter toutes les deux leurs taux d'intérêt de 25 points de base la semaine prochaine. Pour William Gerlach, Directeur régional France et Royaume-Uni chez iBanFirst, l'incertitude réside ailleurs. Explications.
Aux États-Unis, le marché prévoit, à partir d'août 2024 et jusqu'en Mars 2024, un cycle de pause, suivi d'un second cycle d'assouplissement afin de contrer un ralentissement de la croissance. Cette hypothèse est tout à fait probable en raison des dernières statistiques. En effet, le rythme de croissance aux États-Unis ralentit dangereusement et tangente la zone de récession.
Sur le front de l'inflation en revanche, les nouvelles sont plus rassurantes. Tant l'inflation globale que l'inflation de base (core CPI) se sont avérées moins fortes que prévues. L'inflation globale a ainsi augmenté de +0,18% par rapport au mois précédent. La "core CPI" a également nettement ralenti avec +0,16% par rapport au mois précédent.
Par ailleurs, l'indice des prix à la consommation de la Fed d'Atlanta, un panier pondéré de produits dont les prix évoluent relativement lentement, a chuté à +2,8% en glissement annuel sur un mois. Cela constitue également un autre signal très positif.
Néanmoins, il est encore trop tôt pour crier victoire. Beaucoup de sources d'inquiétude subsistent du côté de l'inflation : les prix du pétrole sont hauts, l'accord entre la Russie et l'Ukraine concernant les céréales est en train de voler en éclats, les tensions salariales persistantes pourraient entraîner des hausses de salaires bien supérieures dans les mois à venir.
Dans cette perspective, il est loin d'être certain que la Fed veuille réellement atteindre la cible des 2% si cela implique d'entraîner l'économie en récession. D'autant que cet objectif ne fait plus l'unanimité : une inflation de 3% n'aurait pas de conséquences plus graves qu'une inflation de 2% sur le plan macroéconomique. Enfin, le timing électoral va également jouer. Plus l'élection présidentielle de 2024 approche, plus la montée des taux semble condamnée.
Selon nous, la banque centrale américaine peut très bien se contenter d'une inflation moyenne à 3% sans que le marché s'en inquiète beaucoup. Dans cette optique, une longue pause de la politique monétaire après une dernière hausse en juillet est le scénario le plus probable.
L'équation est toujours plus compliquée dans la zone euro
Les marchés n'aiment pas les divergences de politique monétaire. Sans surprise, le débat concernant la pause de la hausse des taux gagne également du terrain dans la zone euro. Klaas Knot, membre du Conseil des gouverneurs de la BCE (considéré comme un faucon), a déclaré cette semaine que resserrer la politique monétaire après la réunion de la semaine prochaine est "au mieux une possibilité, en aucun cas une certitude". Certains faucons lâchent du lest, mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Il existe un désaccord profond entre les membres du conseil sur ce qu'il convient de faire après la pause estivale. Dans les procès-verbaux de la BCE publiés la semaine dernière, plusieurs autres membres ont évoqué la possibilité de nouvelles hausses de taux d'intérêt, dont au moins une autre en septembre.
Encore une fois, l'inflation va jouer le rôle de juge de paix. Or, la situation est beaucoup plus instable qu'aux États-Unis. Mais plusieurs éléments permettent d'être optimiste : une inflation globale faible, des chiffres encourageants, et l'inflation de base (core inflation) qui est descendue à 0% en glissement mensuel dans la dernière publication de juin.
Seul gros bémol : le taux d'inflation diffère fortement d'un pays à l'autre, ce qui rend la tâche de la BCE plus difficile. En France et dans les pays périphériques, la croissance est plus forte et l'inflation plus faible que dans les pays d'Europe centrale. Les principales variables responsables de ces disparités étant les différents secteurs des services (plus résilients dans certains pays que dans d'autres) et les différents marchés du travail (plus tendus dans certains pays que dans d'autres).
Hausse de l'euro : trop beau pour être vrai
Du point de vue du marché des changes, l'EUR/USD connaît sa plus longue période d'appréciation continue depuis 2004. L'euro pondéré sur la base des échanges commerciaux, qui est un indice plus représentatif de la faiblesse/force de l'euro, atteint un nouveau sommet historique. La récente flambée de l'euro s'explique principalement par l'anticipation d'une poursuite des hausses des taux par la BCE tandis que la Fed optera pour une pause.
Nous pensons que les gains futurs seront probablement plus limités en raison de deux arguments :
Une croissance toujours faible dans la zone euro (le rythme de croissance est beaucoup plus rapide aux États-Unis qu'en zone euro, avec un PIB américain qui a augmenté de 82% depuis 2008 tandis que le PIB de la zone euro a seulement progressé de 6% sur la même période), La possibilité que la BCE renonce à augmenter ses taux en septembre. En d'autres termes, les attentes selon lesquelles l'EUR/USD franchira la barre des 1,15 cet été sont certainement trop élevées. Selon nous, l'EUR/USD se stabilisera entre 1,05 et 1,12 pendant la majeure partie du second semestre.
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