Vers des politiques monétaires à double face, par Roland Toulet Morlanne, gérant de portefeuilles chez Degroof Petercam Wealth Management France.
Paradoxalement l'or, considéré comme l'actif anti-inflation, n'a pas profité de l'inflation de 2022 !
Paradoxalement alors que l'année dernière a été marquée par des niveaux d'inflation qui n'avaient pas été connus depuis plus de 30 ans, l'or qui était considéré comme l'actif anti-inflation par excellence n'en a pas profité, l'once d'or affichant une légère baisse de 0,22% en 2022 à 1824.40 USD.
Selon nous, cette contreperformance s'explique par le fait que les banques centrales, et la Fed en particulier, ont été très réactives dans la hausse des taux directeurs. Malgré les risques géopolitiques, et l'environnement anxiogène du moment, la Fed a opéré son plus grand tour de vis monétaire depuis la période Volcker dans les années 80 passant ses taux d'intérêts de 0.25% à 4.75%.
La fin du cycle de politique monétaire accommodante s'est faite précipitamment sur une période de 12 mois. La BCE quant à elle, a également mis fin à une longue période de taux directeurs négatifs.
Ainsi, les banques centrales sont restées crédibles auprès des investisseurs dans leur volonté de lutter contre l'inflation. Les anticipations d'inflation à long terme sont toujours restées inférieures à 3% malgré des chiffres peu favorables durant l'été où l'on constatait une accélération de la hausse des prix.
Remise en cause du scénario idyllique d'une sortie de taux négatifs sans dommages collatéraux
Ainsi, quelle était l'utilité de détenir la « relique barbare » dans une allocations d'actifs alors que les banques centrales en exerçant l'un des plus gros resserrements monétaires de l'histoire redonnait du rendement aux investisseurs et se portait garante de la valeur de la monnaie à long terme ?
Or, voilà que les évènements des 10 derniers jours remettent en cause ce scénario idyllique d'une sortie de taux négatifs sans dommages collatéraux.
La faillite de la Silicon Valley Bank, et de quelques banques régionales aux Etats-Unis, combinée aux graves difficultés du Crédit Suisse viennent nous rappeler que les politiques de resserrement monétaires ne sont pas anodines. En occasionnant un krach obligataire et une dépréciation de plusieurs classes d'actifs, elles ont contribué à fragiliser certains pans du système financier mondial.
Encore hantée 15 ans plus tard par la faillite de Lehman Brothers, les autorités financières et Banques Centrales se doivent d'agir rapidement pour éviter toute panique et perte de confiance dans le système financier.
On s'achemine doucement vers des politiques monétaires à double face : d'un côté des taux courts qui restent élevés pour conserver une certaine crédibilité auprès des investisseurs, et de l'autre des interventions directes dans les marchés financiers pour injecter des liquidités ou garantir implicitement les dépôts qui seraient mis à mal par la chute d'un établissement financier.
Ces interventions ciblées vont considérablement ralentir l'effet du resserrement monétaire. En moins de cinq jours, la Fed a engagé plus de 300 milliards de nouvelles liquidités, soit déjà la moitié du programme de réduction de son bilan engagé en juin 2022.
Par conséquent, ces nouvelles injections de liquidités font gonfler la masse monétaire ce qui historiquement s'est avéré positif pour l'appréciation de l'or.
Toutefois, ne surestimons pas son rôle. L'or reste un actif refuge, particulièrement porteur dans cet environnement de relative fébrilité des investisseurs où le système financier témoigne de certaines fragilités. Il mérite d'être détenu en portefeuille, mais toujours dans une logique de diversification en complément d'actions de sociétés de qualité disposant d'un bon pricing power, car une politique monétaire moins orthodoxe desserrera la pression sur les taux et donnera de l'oxygène aux actions, et particulièrement aux valeurs de croissance.
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