L'économie mondiale a réussi à éviter la récession. Mais elle n'évitera pas la stagflation. Les pays émergents (Chili et Brésil) ont été les premiers à augmenter les taux directeurs pour lutter contre l'inflation structurelle. Ils sont maintenant les premiers à baisser les taux. Pourquoi observe-t-on cette dynamique dans ces pays-là ? Qu'annonce-t-elle pour les pays développés ? Décryptage de William Gerlach, Directeur régional France et Royaume-Uni chez iBanFirst.
Si les pays émergents ont récemment appliqué une baisse des taux d'intérêt, c'est en partie dû à une plus forte exposition à la dynamique économique mondiale et à une demande en capital plus importante. Ils agissent ainsi comme des baromètres avancés de ce qui va advenir dans les pays développés en termes de politique monétaire.
Face à une dégradation économique plus rapide que prévue en partie liée au processus de durcissement monétaire et à l'absence de relais de croissance chinois, nous nous attendons à ce que la Réserve Fédérale américaine (Fed) et la Banque Centrale Européenne (BCE) baissent leurs taux en urgence, potentiellement avant la fin de l'année (alors que le consensus anticipe les premières baisses en 2024) et qu'elles acceptent de facto un niveau d'inflation moyen situé autour de 3-4 % (contre une cible officielle à 2 %).
Les sources d'inquiétudes
1. Les émergents sont des baromètres avancés de la politique monétaire
Ils ont été les premiers à bien diagnostiquer le processus d'inflation structurelle post-Covid et à agir en conséquence en baissant les taux directeurs. Au même moment, les banquiers centraux des pays développés martelaient que l'inflation était seulement conjoncturelle. Les émergents sont maintenant les premiers à baisser les taux (-100 points de base au Chili et -50 points de base au Brésil au début du mois d'août). Ce n'est pas le signal d'une victoire de la politique monétaire sur l'inflation structurelle.
C'est plutôt le signe que la dégradation économique est plus rapide et conséquente que prévu. C'est en partie la conséquence de la flambée du coût du capital jugée nécessaire pour endiguer l'inflation. Pendant la pandémie, les taux de fret maritime étaient l'alpha et l'oméga de l'évolution de la conjoncture mondiale. Maintenant qu'ils ont de nouveau chuté, plus personne n'en parle. A tort.
Les taux de fret sont désormais sous leur niveau d'avant-Covid. Le commerce mondial des conteneurs devrait se contracter de 4 % cette année contre une prévision initiale de -2,5 % (effectuée par Maersk). La demande mondiale se comprime, mais à un rythme beaucoup trop rapide, ce qui va provoquer une atonie économique. Les banques centrales sont allées trop loin dans la normalisation monétaire. Nous allons en payer les conséquences dans les mois et les années à venir.
2. La reprise économique chinoise est décevante et lente
Début 2023, les marchés tablaient sur une forte reprise de l'activité en Chine à la suite de la fin de la politique zéro Covid. Cela ne se matérialise pas. Pour autant, les opérateurs de marché ne perdent pas espoir et espèrent cette fois-ci que la reprise va se matérialiser ce semestre.
Ils vont être déçus. Leur diagnostic est erroné. Ils ont tort de croire que les facteurs externes (comme la Covid) ont radicalement modifié les perspectives de l'économie chinoise. En réalité, le déclin graduel du pays a commencé il y a plus de dix ans lorsque la Chine a fait le choix d'une relance tous azimuts par le crédit (les flux de crédit entrant dans l'économie ont représenté plus de 10 % du PIB à leur pic en 2009).
S'ajoutent à cela des facteurs structurels, comme la démographie et la dette, qui font que la Chine est condamnée à une politique des petits pas en termes de relance (baisse progressive et très graduelle du coût du capital, par exemple) qui ne pourra jamais permettre une reprise forte. Contrairement à la crise financière mondiale de 2007-08, il n'y a pas de relais de croissance. C'est un monde de croissance faible et parfois d'appauvrissement (dans le cas européen) qui s'annonce. En Europe, l'appauvrissement est perceptible dans les enquêtes d'opinion mais aussi dans les données brutes. La classe moyenne se rétrécit, lentement mais sûrement.
La semaine dernière, l'Institut Ifo a indiqué que 63 % de la population allemande appartient à la classe moyenne contre 65% en 2007. La diminution semble relativement modérée mais elle est considérable par rapport à d'autres pays européens. L'Allemagne, qui a bénéficié de deux décennies enchantées, est désormais l'homme malade de l'Europe. C'est un exemple extrême mais qui traduit un mouvement d'appauvrissement qu'on perçoit partout en Europe, à une échelle parfois moindre.
3. La dette est de nouveau un problème
La décision de l'agence de notation Fitch de retirer à la note souveraine des Etats-Unis son triple A a été perçue comme une sanction. On peut légitimement interroger le rôle des agences de notation dans la crise souveraine européenne (2010-2012) et questionner le timing choisi pour l'annonce.
Mais il n'en demeure pas moins que cette décision rappelle que la question de la dette est de nouveau posée. L'économie mondiale a fonctionné au cours des dix dernières années grâce à des taux réels négatifs.
Cette parenthèse historique se referme. Désormais, même une petite variation du coût du capital peut entraîner d'importantes conséquences négatives. Le fait que la Banque du Japon doive intervenir sur le marché obligataire pour atténuer la hausse du coût de la dette causée par une variation marginale des taux d'intérêt souligne l'énormité du problème actuel de la dette. Qu'il n'y ait aucun doute : cette situation n'est pas exclusive au Japon. La Fed, la BCE, la Banque d'Angleterre, la Banque Populaire de Chine et d'autres sont sur le point d'être confrontées à la même situation difficile.
4. Le retour de la domination fiscale
C'est la conséquence directe du problème lié à l'accumulation de dettes. Il y a une limite à la normalisation de la politique monétaire. Elle est probablement déjà atteinte des deux côtés de l'Atlantique. Si on ajoute à cela un double-déficit qui se creuse dans beaucoup d'économies de premier plan, en particulier les Etats-Unis, et un engagement de plus en plus présent de l'Etat dans les rouages de l'économie (le capitalisme rhénan, c'est par exemple plus de 350 milliards d'euros d'aides d'Etat depuis mars 2022 – soit la moitié de l'ensemble de l'aide étatique au niveau européen), on obtient le cocktail parfait pour que les banques centrales des pays développés baissent les taux en urgence, potentiellement d'ici la fin de l'année, et qu'elles acceptent de facto que l'inflation continue de courir à des niveaux plus élevés que la moyenne des vingt dernières années, autour de 3-4 %.
Nous doutons que les banques centrales ouvrent, à ce stade, le débat épineux du relèvement de la cible officielle actuellement à 2 %. C'est un débat vain tant que les marchés financiers ne paniquent pas. Et il est certain qu'ils pourront s'accommoder d'une inflation un peu supérieure à la norme si, en contrepartie, le coût du capital chute avec la diminution des taux d'intérêt. C'est le seul moyen de sauver le système actuel qui repose sur une montagne de dettes rarement liée à des investissements productifs.
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