Dans le cadre de ses QE, la BCE continue de déverser des milliards d'euros fraîchement créés sur le marché obligataire corporate.
Lorsqu'elle le fait via des « émissions privées », elle les achète directement aux plus grandes sociétés européennes et leurs filiales internationales.
Récemment, ces achats d'obligations d'entreprises ont franchi la barre des 100 milliards d'euros.
Ce montant progresse mensuellement de 7 milliards.
De ce fait, la BCE est en train de devenir la pire des bad banks.
Lorsque la BCE a démarré son programme d'achats d'obligations d'entreprises en mars 2016, elle avait déclaré qu'elle n'achèterait que des actifs de qualité.
Mais peu après cela, on s'est mis à se demander ce qui allait se passer si un titre en portefeuille voyait sa note être abaissée.
Quelques mois plus tard, un porte- parole de la banque mit un terme à ces craintes en annonçant que la BCE « n'est pas obligée de vendre ses actifs en cas d'un abaissement de note » jusqu'à la catégorie « investissement risqué », soulevant ainsi la possibilité que la banque puisse posséder en portefeuille des « anges déchus ».
Aujourd'hui, après 16 mois de programme, il apparaît que la BCE a acheté 981 émissions obligataires distinctes dont 34 sont notées BB+, soit investissement risqué.
208 de ces émissions ne sont pas notées.
Ce qui signifie qu'au total, un quart des émissions obligataires qu'elle a achetées sont soit risquées, soit non-notées.
Au départ, la BCE avait affirmé qu'elle n'achèterait que des obligations « notées » considérées comme sûres.
Le fait qu'un quart de ces obligations soient non-notées ou risquées est une violation majeure de cette promesse.
La BCE charge manifestement la mule avec des actifs risqués ou pourris dont le successeur de Draghi devra hériter.
Déjà détentrice de centaines de milliards d'obligations en euros de la périphérie affichant des taux artificiellement bas, la BCE est en train de devenir aussi une décharge pour la dette d'entreprise risquée qui offre des rendements très bas.
Sous la houlette de Draghi, la BCE s'est transformée en l'une des plus grosses banques-poubelle du monde dont le bilan de 4,23 trillions d'euros « d'actifs » comprend : - de la dette grecque toxique - d'autres obligations douteuses de la périphérie - 242 obligations d'entreprises non-notées ou risquées - 149 obligations à taux négatif La raison principale de ce rendement négatif s'explique par la frénésie d'achats obligataires de Draghi.
Difficile de dire quelles sont les sociétés qui en profitent le plus.
La BCE a refusé de fournir des détails en ne divulguant que l'ISIN (numéro d'identification internationale de titres) de chaque émission obligataire, mais pas les montants achetés.
Lorsque la BCE achète ses obligations, elle fait grimper leur prix tout en poussant leur rendement à la baisse, ce qui est l'objectif.
Elle abaisse donc davantage les coûts de financement de ces sociétés.
Pourtant, d'après la commission de la concurrence de l'Union européenne, tout ceci n'est pas de la concurrence déloyale.
Le Parlement européen n'en est pas aussi sûr.
Un groupe multipartite a récemment écrit à Draghi pour demander les noms de sociétés et les montants concernés afin de balayer toute suspicion que les achats puissent bénéficier à un petit groupe d'entreprises privilégiées.
(…) Il n'y a pas que l'opacité, le caractère arbitraire ou les conflits d'intérêts potentiels du QE de la BCE qui posent problème.
Il y a aussi la crainte de voir les gouvernements et les entreprises être devenus dépendants de cet argent virtuellement gratuit.
Draghi peut vouloir autant qu'il veut commencer à réduire ses achats mensuels de 80 à 60 milliards dès cette année, de nombreux bénéficiaires du programme ne sont tout simplement pas prêts à voler de leurs propres ailes.
Le pays d'origine de Draghi en particulier, l'Italie, ne peut se permettre des taux plus élevés qui se manifesteraient en cas d'arrêt des achats d'obligations italiennes par la BCE.
Des taux plus élevés mettraient le pays en faillite.
À ce titre, les Italiens voient en Mario Draghi leur ange gardien de la BCE.
Simultanément, les nombreuses sociétés qui ont bénéficié du support généreux de la BCE durant ces sept derniers mois pourraient trouver la vie plus dure une fois l'open- bar fermé et les coûts de financement revenant à des niveaux correspondant à la réalité.
Jusqu'à ce que cela ait lieu, ces sociétés vont continuer de s'abreuver à la fontaine des liquidités quasiment gratuites tandis que le bilan de la BCE s'alourdit et devient plus bancal chaque mois.
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