
La fin de l'âge d'or du dollar, par Benjamin Dubois , Responsable de la gestion overlay – Edmond de Rothschild AM.
L'élection de Donald Trump début octobre avait entrainé une forte poussée de Dollar, portée par les perspectives d'implémentation de tarifs douaniers et de stimulation de l'économie américaine.
Cependant, la volonté du nouveau président américain de réformer le système commercial et financier mondial pourrait entrainer le déclin du billet vert sur le moyen-long terme. La baisse de la devise ces derniers jours ne serait que les prémices d'un mouvement de fond plus important et le second mandat de Donald Trump pourrait mettre fin à l'hégémonie du Dollar qui prévalait cette dernière décennie.
Souvent annoncée, principalement en raison de l'explosion de la dette américaine, la fin de l'âge d'or du Dollar a quasiment systématiquement déjoué les pronostics durant ces 15 dernières années.
Soutenu par son statut de réserve et de devise refuge dans un contexte géopolitique fortement dégradé (conflit Ukraine-Russie), par l'exceptionnalisme américain et par la dynamique favorable des taux US, le Dollar s'est régulièrement apprécié, atteignant des niveaux de sur-valorisation très élevés. La combinaison de ces éléments a incité les investisseurs internationaux à laisser une grande partie de leurs investissements exposés au risque dollar, en oubliant au fil des années les risques induits par cette surexposition.
Ainsi, depuis 2008 et la crise des subprimes, le Dollar Index (cours moyen du Dollar face à un panier de devises mondiales) s'est apprécié de plus de 40%, ne connaissant que de rares périodes de faiblesse (seulement 4 années de baisse depuis 2010)[1].
Or, depuis quelques jours, le Dollar subit une correction, affaiblit par des fondamentaux légèrement dégradés. Les récents chiffres économiques en dessous des attentes aux Etats-Unis ainsi que les inquiétudes sur le secteur technologique américain sèment le doute chez les investisseurs sur la résilience de la croissance américaine.
En parallèle, l'annonce historique du vaste plan d'investissement en Allemagne et d'un plan de défense en Europe, accompagnée d'une probable révision de certaines règles budgétaires et les perspectives de fin de conflit en Ukraine ont amélioré le sentiment en Europe. Le Dollar pâtit de cette inversion de perception et a déjà perdu 4% face à la devise européenne par rapport à ses plus hauts niveaux de début d'année, et 5% sur l'indice Dollar global[2].
Si l'impact de ces facteurs est déjà significatif, les objectifs de restructuration du système financier mondial que semble vouloir atteindre Donald Trump avec la guerre commerciale qu'il a engagé font peser sur le Dollar un risque bien plus important.
Cette restructuration, théorisée par S. Miran - principal conseiller économique de Donald Trump, s'appuie sur la conviction qu'une dépréciation du Dollar est nécessaire pour réindustrialiser les Etats-Unis et les tarifs douaniers sont au cœur de sa stratégie pour pousser les autres pays à un accord sur les devises ; accord qu'il nomme accord de ´Mar-a-Lago' (sur le modèle des autres accords sur les devises tels que Bretton Woods (1944), Plaza (1985), et Louvres (1987)) qui portent le nom des lieux où ils ont été négociés).
S. Miran s'appuie entre autre sur les éléments suivants:
- En 2018, l'impact de la guerre commerciale avait été largement atténué par le détournement d'une partie des exportations chinoises vers des pays de transit, ce qui incite D. Trump à mettre en place des tarifs universels. D'autant plus qu'il cherche également à augmenter la part des revenus douaniers dans les recettes de l'état fédéral.
- Contrairement à 2018, les tarifs ne sont plus seulement perçus comme un simple outil de négociation mais comme un instrument économique dont les objectifs sont : 1/ rééquilibrer la balance commerciale ; 2/ sanctionner des pays pour des raisons économiques ou de sécurité nationale ; 3/ générer des recettes fiscales pour réduire le déficit public.
- La surévaluation du dollar est liée à l'accumulation de réserves en dollars de la part d'Etats à la recherche d'une valeur refuge, mais cette tendance s'est déjà inversée ces dernières années et pourrait accélérer en cas de remise en question du système financier international.
- Une « dédollarisation » du monde déjà en cours. La baisse de la part du dollar dans les réserves mondiales s'est accélérée depuis la mise en place des sanctions contre la Russie et cette tendance devrait se poursuivre à cause du bras de fer que veut engager l'administration Trump.
La première conséquence de cette « dédollarisation » est la flambée du cours de l'or, qui, en l'absence de devise offrant une vraie alternative au Dollar, devient le principal actif de réserve. Le prix de l'once a ainsi grimpé de plus de 60% pour atteindre 2´920 US Dollars[3].
Cependant, un accord de « Mar-a-Lago » ne sera pas simple à obtenir.
Contrairement à la période de l'accord de Plaza, une grande partie des réserves en Dollar est aujourd'hui détenue par des pays d'Asie et du Moyen Orient, et non plus par des pays européens. Or ces pays seront sans aucun doute moins conciliants avec les Etats-Unis que ne l'étaient les européens durant la guerre froide.
La guerre commerciale et les différentes tensions et négociations qui en résulteront devraient donc entraîner un net regain de la volatilité sur le marché des changes ces prochains mois.
Les politiques monétaires à taux zéro des principales banques centrales entre 2011 et 2022 avaient conduit à une anesthésie du marché des devises. Cette absence de volatilité combinée à un Dollar fort avait poussé de nombreux investisseurs à se désintéresser du risque de change et à abandonner les stratégies de couverture du risque de change ces dernières années. Ce risque ne peut plus être ignoré aujourd'hui.
À PROPOS DU GROUPE EDMOND DE ROTHSCHILD
Maison d'investissement de convictions fondée sur l'idée que la richesse doit servir à construire demain, Edmond de Rothschild est spécialisé dans la Banque Privée et la Gestion d'actifs. Au service d'une clientèle internationale de familles, d'entrepreneurs et d'investisseurs institutionnels, le Groupe est également présent dans les métiers de Corporate Finance, de Private Equity, de l'Immobilier et de Fund Services.
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[1] Source Bloomberg – Date 06/03/2025
[2] Source Bloomberg – Date 06/03/2025
[3] Source : Bloomberg – Date 06/03/2025
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