Selon Ambrose Evans-Pritchard du Telegraph, le président américain a tout simplement commis une grossière erreur : « Donald Trump n'aurait pas pu choisir un timing économique plus risqué pour déchirer «l'accord pourri» avec l'Iran.
Le marché mondial du brut était déjà en train de se tendre à un rythme élevé.
Les réductions coordonnées de la production des pays de l'OPEP et de la Russie ont éliminé la suroffre de pétrole que l'on connaissait depuis 4 ans.
Il n'y a désormais plus de réserves suffisantes pour contrer un choc de l'offre.
La prime géopolitique sur les cours réapparaît donc.
L'agonie du régime Maduro arrive à son terme.
La production de pétrole du Venezuela est en train d'imploser alors que le secteur est à court de pièces de rechange, ce qui a réduit l'offre mondiale de 700,000 barils par jour par rapport à l'année dernière.
L'Amérique du Nord fait face à des limitations posées par son infrastructure.
Il n'y a pas suffisamment de pipelines pour acheminer la production du bassin permien du Texas.
La situation est plus ou moins similaire en ce qui concerne les sables bitumineux de l'Alberta.
La perspective de la perte d'une partie de la production iranienne n'aurait pas été significative il y a un an.
Mais aujourd'hui, ce n'est plus vrai.
La hausse du baril de Brent jusqu'à 77 $, soit de 60 % depuis juin dernier, est due à la confluence de crises politiques en gestation dans de nombreuses régions du monde.
«Nous pensons qu'un risque de choc pétrolier plane et qu'il pourrait se manifester dès 2019 alors que plusieurs éléments convergents s'assemblent pour former une tempête parfaite», a écrit Westbeck Capital.
Cette maison prédit le pétrole à 100 $ dans un avenir proche, et même à 150 $ alors que la planète risque une pénurie de l'offre similaire à celle de 2008.
Le fonds avertit que l'effondrement des investissements depuis 2014 va bientôt découler sur l'inévitable retour de bâton.
Les réserves en déclin des champs existants n'ont pas été remplacées.
Le rendement des projets conventionnels a jusqu'à présent augmenté, mais la situation va se renverser cette année.
En 2019, elle devrait baisser de 1,5 million de barils par jour.
Les capacités additionnelles du globe baisseront jusqu'à un maigre 1 %.
Le pétrole de schiste américain ne sera pas capable de compenser l'intégralité du déclin.
«Depuis 2014, on ne cesse de répéter que le prix du pétrole sera bas à long terme, cela a poussé les analystes du secteur dans une certaine torpeur», a-t-il déclaré.
Inutile de préciser qu'un bond du prix du baril à 150 $ engendrerait rapidement une récession mondiale.
Les États-Unis peuvent espérer être relativement épargnés vu qu'ils sont devenus l'un des plus gros producteurs de pétrole du monde (proches d'atteindre leur production record historique), mais ce serait fatal pour une Europe résolument importatrice.
Un tel scénario serait un nouveau test potentiellement fatal pour cet euro non réformé.
La Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne souhaitent peut-être préserver l'accord avec l'Iran, mais ces nations sont plutôt impuissantes face à l'hégémonie financière américaine et la férocité des «sanctions secondaires».
Les mesures envisagées par le Trésor américain couvrent l'expédition, l'assurance et tout ce qui concerne les supports financiers et logistiques de l'industrie iranienne du pétrole.
Toute société européenne ou asiatique qui enfreint ces règles n'aura plus accès au marché américain des capitaux et aux systèmes de paiement internationaux utilisant le dollar.
L'Union européenne a juré de défendre ses «intérêts en termes de sécurité et ses investissements économiques», en suggérant que cela pourrait entraîner le renforcement de la directive 2271 sur l'extraterritorialité des sanctions (qui visait à protéger les sociétés européennes des sanctions américaines contre la Libye).
Mais il ne s'agit que de paroles en l'air.
Aucune société européenne disposant d'une activité importante aux États-Unis n'oserait franchir une telle ligne.
«Pour les grandes sociétés européennes, entre les États-Unis et l'Iran le choix se fera sans aucun doute en faveur du premier», a déclaré Richard Robinson, d'Ashburton Global Energy Fund.
Mr Robinson a déclaré que l'Europe devra réduire ses importations en provenance de l'Iran de 60 %, car des groupes comme ENI ou Total refuseront d'acheminer le brut, quelle que soit la politique stratégique adoptée par l'UE.
Cela torpille l'accord sur le nucléaire vu que l'Iran ne respectera pas les termes si l'Union européenne est incapable de joindre les actes aux paroles, sans parler des investissements étrangers de 200 milliards de dollars convoités par Téhéran.
«Les efforts européens de protection de l'accord sont voués à l'échec sans collaboration américaine», a déclaré Anas Alhajji, un expert vétéran du secteur énergétique du Moyen-Orient.
Davis Fyfe, de la société de courtage spécialisée dans le pétrole Gunvor, affirme que nous ne disposons pas actuellement de suffisamment de détails de la part de Washington pour juger de la rapidité avec laquelle les sociétés devront agir, ou quelles seront les dispenses accordées.
Il estime que les sanctions envers l'Iran diminueront dans les mois à venir la production mondiale de 500,000 barils par jour.
«Cela pourrait être encore plus en 2019», a-t-il déclaré.
Certains analystes envisagent une perte de 750,000 barils par jour d'ici l'année prochaine.
Mais le respect global des sanctions sera moins strict.
Au moins 200,000 barils par jour pourront être écoulés via l'Irak.
Mais il y a tout de même des limites.
On ne peut pas partir du principe que la Chine absorbera l'intégralité de l'offre iranienne.
L'année dernière, il était possible de qualifier la hausse du pétrole de bénigne, car provoquée par la croissance économique mondiale.
Cette année, il s'agit d'une hausse maligne.
La croissance mondiale n'est plus au rendez-vous.
La bonne santé d'une Europe revenant dans le parcours s'est étiolée durant le premier trimestre.
Le PIB du Japon s'est probablement contracté.
La hausse du pétrole est en partie responsable.
Même au niveau actuel, les prix agissent en tant que « taxe » additionnelle de 500 milliards de dollars pour les consommateurs asiatiques, européens et américains.
Les rentrées d'argent additionnelles des grands producteurs ne sont pas toutes réinvesties rapidement dans l'économie.
L'une des raisons du ralentissement économique est l'étranglement du crédit en Chine, qui se répercute inévitablement sur l'économie réelle, à retardement.
Les indicateurs indirects suggèrent que la véritable croissance chinoise est tombée en dessous de 5 %.
Mon opinion est que le resserrement monétaire de la FED et la baisse des stimulations de la BCE font plus de dégâts qu'anticipé.
La hausse des taux américains augmente le coût du crédit d'une grande partie de la planète.
Le taux du Libor sur 3 mois, qui dicte les prix de plus de 9 trillions de dollars de contrats de par le monde, a augmenté de 76 points de base depuis janvier.
La FED est en train de réduire la taille de son bilan, ce qui assèche les liquidités internationales en dollars à un rythme qui s'accélère.
Cela a déjà engendré un ralentissement marqué de la croissance de la masse monétaire M3.
Si la FED n'y prend pas garde, cela propulsera l'économie américaine vers la stagnation.
Et, pour preuve, nous pouvons observer les premiers signes d'une hausse du dollar en raison d'un étranglement des liquidités dans des pays émergents fortement endettés en dollars comme la Turquie, l'Argentine et l'Indonésie.
Un ralentissement économique couplé à un choc de l'offre de pétrole est toxique, même si l'importance de l'énergie sur le PIB mondial est aujourd'hui la moitié de ce qu'il était il y a 30 ans.
L'OPEP et la Russie peuvent bien entendu augmenter les quotas à tout moment, mais cela ne serait pas suffisant pour restaurer l'offre antécédente.
Le Venezuela est désormais dans une chute libre impossible à stopper.
Les Saoudiens se sont engagés à maintenir la «stabilité des marchés du pétrole», ainsi qu'à contribuer à «la limitation de l'impact en cas de pénurie potentielle».
Il ne faut pas oublier qu'il y a des enjeux bien plus importants que le pétrole.
Monsieur Trump a décidé de jeter les immenses forces des États-Unis dans la bataille sunnite/chiite pour la domination du Moyen-Orient en faveur de l'Arabie saoudite, et d'Israël en ce qui concerne sa bataille distincte avec l'Iran.
Ces 2 conflits sont des bombes potentielles.
Israël a attaqué une base iranienne en Syrie le mois dernier, en tuant durant l'opération 7 gardes de la révolution (cet article date du 9 mai, il ne prend donc pas en compte les incidents plus récents, encore plus graves).
Le jeune leader impétueux de l'Arabie saoudite, Mohammed bin Salman, est impatient de régler ses comptes avec l'Iran, qui elle est impatiente de relancer son programme nucléaire alors que Monsieur Trump est quant à lui impatient de provoquer un changement de régime en Iran.
Qu'est-ce qui pourrait mal tourner… ».
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