C'est un sujet qui peut sembler technique mais que je vais essayer de vous résumer et de vous expliquer simplement.
BNP Paribas fait partie,avec Deutsche Bank ou UniCredit, des grandes banques européennes les plus actives dans la finance à effet de levier en finançant ce que l'on appelle des LBO, un acronyme aussi anglais que barbare signifiant leveraged buy-out (LBO).
C'est un rachat avec un effet de levier comprenez avec un crédit (un gros crédit).
Imaginez que vous souhaitiez racheter une entreprise, disons, un très gros restaurant à côté de chez vous ou une grosse brasserie. Disons que cette société coûte 1 million d'euros et que vous n'avez pas un sou.
Vous allez dans un premier temps créer une société holding (une société holding passive a pour objet social exclusif de détenir des participations au capital de PME opérationnelles). Vous allez voir la BNP qui donne un crédit d'un million à votre holding qui rachète les parts sociales ou le fonds de commerce peu importe de votre brasserie. Cette brasserie, imaginons, rapporte 100 000 euros de bénéfices par an. Ce sont ces bénéfices qui vont rembourser le crédit que la BNP a donné à votre holding.
Vous êtes propriétaire au bout de 10 ans d'une brasserie qui fait 1 million d'euros de chiffre d'affaires et vous n'aviez pas un sou !
C'est évidemment un montage super avec un énorme effet de levier puisque vous n'aviez rien.
En gros on vous demandera un apport de 20 % pour les LBO des gueux d'en bas, car oui, sachez que même nous autres les gueux pouvons faire des mini-LBO. Mais ce n'est pas nos petits LBO sur la brasserie du coin, même à un million d'euros avec 20 % d'apport qui fera chuter un géant bancaire européen.
Non, le problème ce sont les LBO pour les riches, genre quand vous vous appelez Bernard Tapie et que vous reprenez Adidas sans un sou en poche. Il en va des Bernard comme des verres de vin.
Un Bernard ça va, deux Bernard c'est trop. Trois Bernard bonjour les dégâts !
Cela fait quelques temps que l'affaire couve. Dans un courrier du 28 mars dernier aux dirigeants de banque , « Andrea Enria, le président du conseil de surveillance prudentielle de la BCE, s'était ému à l'échelle du secteur d'un « appétit au risque proche ou équivalent au plus haut niveau observé depuis la grande crise financière ».
A ses yeux, écrivait-il, « les financements à effet de levier sont une des vulnérabilités principales des banques systémiques ». L'explosion des prêts dont le montant dépasse six fois l'Ebitda (résultat d'exploitation) concentre les inquiétudes. Censés être accordés de façon « exceptionnelle », ceux-ci ont pesé pour moitié dans les nouvelles transactions entre 2019 et 2020, et pour plus de 60 % au premier semestre 2021, poursuit le superviseur. »
Cela veut dire en très gros, mais la logique est la bonne, que le prêt accordé à la holding, ne doit pas dépasser 6 fois les bénéfices réels (pas le résultat net comptable).Au-delà, les délais de remboursement sont trop longs et le risque de crédit beaucoup plus élevé en cas de problèmes économiques. Et les problèmes économiques ce n'est pas ce qu'il manque.
On a appris que BNP Paribas et Deutsche Bank, entre autres banques, font face désormais à des exigences de capital plus élevées de la part de la Banque centrale européenne.
« La banque centrale a déclaré que les banques d'investissement européennes ont ignoré les avertissements précédents concernant la réduction des risques dans le secteur de la finance à effet de levier ».
Afin de limiter les risques systémiques dans le système bancaire, la BCE a donc relevé les demandes de fonds propres pour le financement de ce type de crédit. En clair, il faut plus de réserves et de capital si les banques veulent continuer à financer ce genre de dossier.
Cela montre bien que la BCE peut augmenter les exigences en capital en fonction du type de crédit. Demain la BCE pourrait parfaitement, sans rendre obligatoire les crédits à taux variables, les rendre presque impossibles en imposant des exigences en capital trop importantes.
Reste à savoir si la BCE agit à temps, ou si le risque systémique est déjà présent alors que nous rentrons dans une période de fortes turbulences économiques.
Charles SANNAT
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