Toujours trop peu, toujours trop tard, cette loi observationnelle qui est valable pour l'Etat français l'est encore plus au niveau européen où l'inertie et les désaccords rendent la construction de solutions et de consensus terriblement longue. Cette lenteur n'est pas un problème par temps calme. Elle le devient lorsque les crises se déchaînent car le temps des crises et celui immédiat des marchés n'est en aucun cas le temps long politique des institutions européennes.
Alors comme à chaque fois depuis des années de crise maintenant, nous avons l'habitude. L'Union Européenne met en place des machins qui n'ont jamais le temps d'aboutir et qui sont recyclés dans la crise suivante.
Vous vous souvenez des Next Generation EU ?
C'est un plan lancé en 2021, un plan de relance de l'Union Européenne lancé en raison de la pandémie de Covid.
Un plan à 800 milliards d'euros tout de même.
Enfin en théorie.
Dans ce plan figure le fonds de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR) de l'Union européenne, un machin à un peu plus de 700 milliards d'euros.
Gardez-le en tête pour la suite, parce que maintenant nous allons nous pencher sur l'une des toutes dernières dépêches de l'agence Reuters.
La BCE envisage une forte hausse des taux et un filet de sécurité pour les pays endettés
« Les responsables de la Banque centrale européenne (BCE) envisageront jeudi, lors de leur réunion de politique monétaire, de relever les taux d'intérêt de l'institution de 50 points de base pour freiner une inflation galopante, ont déclaré à Reuters deux sources directement informées des discussions.
Soucieux d'éviter une envolée des coûts de financement des pays dits périphériques à la zone euro et un creusement des écarts de rendements (« spreads ») entre ces pays et ceux jugés plus sûrs, les responsables de la BCE travaillent également à un accord visant à leur venir en aide sur les marchés obligataires s'ils respectent les règles de la Commission européenne en matière de réformes et de discipline budgétaire.
Elle doit donc trouver le juste équilibre entre le renchérissement du coût du crédit pour calmer la flambée des prix, tout en n'aggravant pas la situation des Etats membres les plus endettés, et le risque d'un plongeon de l'économie en récession.
Le risque accru de récession dans la zone euro, au regard d'une possible rupture des approvisionnements en gaz de Russie, incite cependant certains responsables de la BCE à plus de prudence dans le rythme de la hausse du coût du crédit.
Si depuis juin la BCE a évoqué une hausse graduelle de ses taux, sa présidente, Christine Lagarde, a par la suite noté qu'il y avait « clairement des conditions dans lesquelles le caractère graduel ne serait pas approprié ».
Les chiffres définitifs publiés mardi par Eurostat montrent que l'inflation dans la zone euro a atteint en juin son plus haut niveau historique (+8,6 % sur un an), alors que les pressions sur les prix ont continué à se propager à différents secteurs.
La Commission européenne (CE) prévoit que l'inflation en zone euro ne retombera qu'à 4,0 % l'an prochain, bien loin de l'objectif de 2 % de la BCE, ce qui accroît le risque que la flambée des prix alimente celle des salaires, déclenchant une spirale difficile à maîtriser.
Les responsables de la BCE annonceront également jeudi un nouveau programme d'achat d'obligations, visant à plafonner les coûts d'emprunt des Etats membres lorsqu'ils sont jugés en décalage avec la réalité économique, comme ce fut le cas début juin en Grèce, en Italie, en Espagne et au Portugal, selon les sources.
La BCE devrait toutefois conditionner son aide au respect par les Etats membres, qui en bénéficieront, des objectifs fixés par la Commission européenne en matière d'accès aux fonds de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR) de l'Union européenne, ont indiqué les sources.
Elles ont ajouté que les Etats membres devront également respecter les contraintes budgétaires du Pacte de stabilité et de croissance lorsqu'ils se seront redressés l'an prochain après une pause liée à la pandémie de COVID-19?.
La BCE est donc coincée entre ses hausses de taux nécessaires, sa lutte contre l'inflation mais également avec les déficits et les dettes accumulés par les Etats les plus dépensiers.
Alors que faire ?
Pas grand chose en réalité.
La BCE commence par dire que l'année prochaine l'inflation retombera à 4 %. Pourquoi ? Comment ? Mystère et boule de gomme comme on disait quand j'étais jeune. Il n'y a aucune raison que l'inflation baisse tant que les facteurs inflationnistes ne disparaissent pas. Mais dire que l'inflation baissera à 4 % l'année prochaine ne coûte pas cher du tout, c'est même rudement peu coûteux une simple déclaration et une prévision au doigt mouillé.
Ensuite, pour continuer à ne rien faire la BCE va monter ses taux de 0.25 ou même de 0.50 % peu importe, en fait cela ne changera rien. Passer les taux de 0 à +0.50 % c'est assez insignifiant en termes macro-économiques. Le problème se posera quand les taux atteindront 2 ou 3 % en Europe. Là cela va commencer à couiner chez les endettés et les détenteurs d'actifs surévalués par la bulle de tout liée… aux taux négatifs de ce dernières années.
Enfin, pour achever cette stratégie brillante du toujours trop peu et bien trop tard, on va tenter de rassurer les marchés en expliquant que l'on va utiliser un fonds qui existe déjà pour autre chose et que les sous qui n'ont pas encore été dépensés le seront pour aider les pays dont les taux d'emprunt deviendraient trop élevés. Mais, pour rassurer les Allemands et les bons gestionnaires, il faudra des « garanties » solides de bonne gestion… de la part de pays surendettés et en faillite virtuelle.
Si je reprends ce qu'il va se passer, les taux vont rester très bas en Europe même avec une augmentation de 0.5 %, on va tenter de faire croire que l'on aidera les pays contre des réformes (qui ne marcheront pas) avec des fonds qui existent déjà pour autre chose.
Normalement à ce niveau, vous avez compris que cela ne va pas bien se passer.
Le toujours trop peu et toujours trop tard conduit toujours à une aggravation et à une amplification des crises qui coûtent du coup beaucoup plus chères.
C'est ainsi. N'attendez pas de savoir ce que l'Etat et l'Union Européenne pourront pour vous. Soyez le propre acteur de votre destinée. Vous êtes votre meilleure chance.
La BCE va donc accoucher d'une souris… ou d'un surmulot !
Charles SANNAT
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