Alors que la famille de Johnny Hallyday est en train de s'étriper autour du magot de papa, comme presque toutes les familles françaises au moment des héritages, moi j'ai décidé d'aller mourir en Italie !
Vous allez me demander mais pourquoi donc ?
Pour le pognon pardi !
Comme vous le savez, et sans doute comme vous, enfin je l'espère pour vous, j'ai deux hémisphères cérébraux. Le droit, capitaliste, qui vote à droite et trouve que nous payons trop d'impôts, et mon hémisphère gauche, qui aime le social, l'humanisme, et qui se soucie des autres et bénit les médecins qui soignent son enfant à 4 heures du matin sans rien demander.
Ce qui est évidemment complexe dans la vie, et encore plus dans la vie politique et économique, c'est de trouver la position de juste équilibre entre nos deux préoccupations légitimes.
Un des sujets très importants et passé sous silence lorsque l'on évoque l'attractivité et la compétitivité de notre pays relativement à tous les autres pays, puisque nous évoluons dans un monde ouvert, c'est la fiscalité, et dans la fiscalité, il y a les impôts sur les successions, et la France, là encore, est une championne toute catégorie sur le matraquage fiscal des morts !
Le faux bon argument moral consistant à dire qu'il ne faut pas que les fortunes se « reproduisent » !
Mon hémisphère gauche vous expliquera doctement que l'impôt sur les successions est légitime car il permet de récompenser le mérite et évite les rentes de naissance, ce qui est par essence très républicain?
Bon, ça c'est le principe. Dans la réalité, les riches vont se faire mourir et succéder ailleurs, histoire de transmettre hors impôts français la rente de naissance à leur progéniture. Finalement, ceux qui payent ici restent les moins riches ?
Autre argument de mon hémisphère gauche : l'accumulation de capital dans des mains de moins en moins nombreuses? Mon hémisphère droit rigole sous cape, pas si doucement que cela, car les impôts sur les successions n'ont jamais été aussi élevés et les inégalités, aussi importantes ? de surcroît, histoire de persifler un peu, n'ayons pas peur de laisser hériter les gens, et comptons sur l'insondable bêtise humaine des héritiers qui, dans une proportion non-négligeable de presque 70 % des cas, se chargeront tout aussi efficacement que l'État de dilapider la fortune laissée par papa (ou maman pour faire plaisir au principe de parité).
Mon hémisphère droit ira donc mourir en Italie, c'est nettement plus avantageux !
En France, mes enfants devront payer 45 % d'impôt sur les successions en ligne directe, ce qui en fait l'un des impôts les plus élevés d'Europe.
Mais ce n'est pas tout : l'abattement, c'est-à-dire la somme à partir de laquelle ce taux sera appliqué, est de 100 000 euros.
En Italie, le taux est de 4 % seulement au lieu de nos 45, et l'abattement transalpin est de 1 million d'euros là où le nôtre est donc de 100 000 euros, soit 10 fois plus d'abattement et 10 fois moins d'impôts?
Il n'y a pas à dire, mourir en Italie est plus rentable. Et puis l'Italie, c'est un bien beau pays.
Hériter c'est sale !
Hériter c'est quand même un peu sale, totalement dégueu? Vous vous rendez compte, c'est « inégalitaire ». C'est vrai que les capacités intellectuelles de naissance, les capacités physiques naturelles ne sont pas, elles, inégalitaires?
Selon mon hémisphère gauche, et aussi « selon France Stratégie, l'OFCE et plus récemment le Conseil des prélèvements obligatoires, l'impôt sur les successions français, quand bien même il serait déjà l'un des plus élevés du monde, ne serait pas encore assez élevé pour remplir l'objectif que certains lui ont assigné, à savoir «freiner la part de l'héritage dans la constitution du patrimoine des ménages». Encore un combat bien français ! » nous raconte Le Figaro dans un article consacré à ce sujet.
Sauf, que? de nombreux pays ont supprimé cet impôt, fera perfidement remarquer mon hémisphère droit.
« Encore une fois, la France se trouve totalement à contre-courant du reste du monde. Depuis le début des années 2000, 15 des 35 pays de l'OCDE ont supprimé l'impôt sur les successions, parmi lesquels le Portugal (2004), la Suède (2005) la Russie (2005), l'Autriche (2008), la République Tchèque (2014) et la Norvège (2014). L'Italie l'a également supprimé en 2001 avant de le réintroduire en 2006 à un taux très faible ».
Alors que faut-il faire ?
Il faut savoir être pondéré, être pragmatique et laisser la morale au rang de morale et ne pas l'ériger en alibi ou en idéologie du bien ou du mal.
L'accumulation de capital est nécessaire jusqu'à un certain niveau. Elle peut présenter des problèmes à partir de certains seuils. Encore cette idée d'équilibre.
Il faut valoriser les transmissions préparées et les donations du vivant, car cela permet également d'apaiser les relations, comme on peut le voir dans le cas du décès du chanteur préféré des Français. Pour cela, il faut baisser les taux d'imposition et augmenter les seuils de donation ainsi que réduire les périodes pour le faire.
Dans le même temps, il est possible de laisser les taux français actuels qui seront appliqués à ceux qui ne veulent pas donner de leur vivant.
Pourquoi ? Parce que plus on donne à des jeunes, plus la propension de ces jeunes à consommer ou à investir est forte, cela permet donc justement d'éviter une accumulation inutile du capital, de favoriser les transferts intergénérationnels et aussi? de stimuler l'économie. Cela permet également de laisser une solution, celle de la préparation, pour ne pas être trop lourdement fiscalisé.
Est-il juste de payer la TVA, l'impôt sur le revenu, les impôts sur l'épargne, et tout le reste, pour finir par se faire prendre 45 % de ce qui, malgré tous les impôts précédents, aura pu être épargné ?
Mon hémisphère gauche vous dira que oui, mon droit vous dira que non, la réalité et les faits, eux, vous diront que les vrais riches partent organiser leur succession sous d'autres cieux ou la négocient avec Bercy. Toujours cette idée d'équilibre.
Au bout du compte, dans un monde ouvert à tout vent, il n'y a que les petits couillons que nous sommes qui payent, payent, et payent encore, alors effectivement, les alibis « moraux », qui sont érigés en arguments pour nous faire accepter de payer, ne valent guère mieux que la propagande de toutes les dictatures, et la nôtre est aussi fiscale.
Comme quoi, l'ouvrage La Mort à Venise de Thomas Mann prend un autre sens.
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