J'aime beaucoup lire le blog et les analyses de Jacques Attali. Je sais, vu les nombreux courriers des lecteurs que je reçois à chaque fois que je parle de lui, que vous êtes assez nombreux à ne pas « l'apprécier ». Pour autant, ses propos restent très importants par ce qu'ils révèlent de la pensée du courant mondialiste, libre-échangiste, européen et financier qui, disons-le, dirige aujourd'hui le monde dans lequel nous vivons.
La question n'est pas de savoir si Attali a raison ou tort, bien que, sur nombre de ses constats purement économiques, je sois d'accord avec lui en particulier sur l'idée de cap et de trajectoire menant notre pays directement vers la faillite. La véritable question c'est de voir à travers ses écrits et comprendre les moyens de résolution que « l'élite » mondiale et « éclairée » (forcément, nous autres, les sans-dents, sommes également dans leur esprit des sans-intelligence) souhaite nous appliquer et du coup, mieux voir venir la sauce à laquelle certains veulent même plus nous manger mais plus vraisemblablement nous dévorer tout cru.
Attali pense qu'il faut plus d'Europe, plus de gouvernance mondiale, il souhaite même l'institution d'un gouvernement mondial pour diriger un monde globalisé, mondialisé. Il veut encore et toujours plus d'Europe, encore moins de souveraineté pour la France, toujours plus de contrôle sur les pays et, sans jamais vraiment le dire, il souhaite la disparition des États-nations.
Son point de vue, n'en déplaise à ses détracteurs, est totalement fondé, brillant, bien illustré et bien vendu aux masses. Son point de vue, ce n'est évidemment pas celui de l'intérêt des peuples, mais celui du tout petit, du ridiculement petit même peuple de la finance, qui est plus assimilable à une caste qu'à autre chose. Cette caste de maîtres nous dirige et veut non seulement accroître son pouvoir mais également sa richesse. Il y a une chose que la mondialisation a réussi à merveille et ce n'est pas le bonheur des peuples, non, ce que la mondialisation a brillamment réussi c'est à souder par-delà toutes les cultures et les sociétés, au-delà des guerres et des ranc?urs historiques, les mégariches entre eux.
Comme le disait si bien Warren Buffet, bien sûr qu'il y a une lutte des classes, et c'est la mienne qui a gagné, celle des mégariche, celles des hommes et femmes de pouvoir, celle des milliardaires sans foi ni loi. Un très riche indien, français, qatari, ou américain partagent bien plus de valeurs (dans tous les sens du terme) entre eux qu'avec leur peuple de sans-dents respectifs.
Jacques Attali ne défend pas les intérêts du peuple de France ou même les intérêts des peuples européens. Il défend sa caste et vend cette sauce immonde avec un très grand brio.
Pour Attali donc, il faudra encore plus de rigueur (cela dit, nous n'y couperons pas quand bien même nous reprendrions notre droit souverain à battre monnaie nous-même), il faut moins dépenser, il faut réduire drastiquement les dépenses de l'État. Or réduire les dépenses de l'État, nous le savons tous pertinemment, si nous le faisons fortement cela n'entraîne pas une baisse de la dette mais avant tout une baisse de la croissance (car tout ce qui n'est plus dépensé par l'État vient réduire le PIB). Cela amène une récession qui, comme en Grèce ou en Espagne, ne peut que se transformer en dépression économique. Ce phénomène est aussi sûr et certain que 1 + 1 font 2. Aucune donc des solutions proposées ou envisagées par Attali ne permettra de régler la crise que nous traversons, en revanche elles sont un grand pas vers encore plus d'asservissement des peuples, vers encore plus de dissolution des cultures nationales vers une espèce de sous-culture mondiale partagée par tous à base d'hyperconsommation, d'hyperprofit et d'hyperexploitation (aussi bien des hommes que des ressources).
Si nous suivons la politique de Jacques, alors nous nous retrouverons exactement dans la même situation que la Grèce, et pour nous vendre ses idées il nous menace justement de grècification, mais les conséquences pour éviter la faillite ou les conséquences de la faillite sont exactement les mêmes. Seule la vitesse d'apparition de ces conséquences varient. En clair, si pour éviter la faillite nous détruisons tous les services publics, que nous privatisons tous les secteurs de l'économie etc., etc., alors cela revient au même que de se passer de services publics parce que nous ne pourrions plus les payer.
Il y a pourtant une solution pour sortir de cette crise et cette solution passe par un grand projet politique qui doit susciter l'adhésion du peuple. Effectivement, nous devons réduire les dépenses mais nous pouvons le faire à partir du moment où nous définissons collectivement ce que nous voulons voir croître et ce qu'il sera indispensable de faire décroître. Nous pouvons, en modifiant totalement nos cadres économiques, changer la donne et repartir de l'avant. Nous pouvons et nous devrons sortir de l'euro pour pouvoir rebattre monnaie, non pas pour faire de l'inflation ou de l'hyperinflation mais pour, plus prosaïquement, avoir un outil essentiel à l'accompagnement de la mise en place d'un nouveau cadre économique. Ce grand projet politique doit être centré non pas sur les intérêts des grandes multinationales ou de cette caste d'êtres supérieurs que sont nos mégariches, non, cette politique doit être pensée par et pour le peuple. Vous devez comprendre qu'il n'y a aucune fatalité au naufrage aussi bien moral que politique de notre pays. Il y a des trahisons massives et il y a surtout un peuple, des peuples, qui, soumis au pouvoir divertissant et lobotomisant de la télé et de loisirs vendus comme étant du bonheur prêt à consommer, ont presque tous totalement abandonné leur pouvoir politique en de mauvaises mains.
C'est aux dirigeants de craindre les peuples et pas l'inverse. Soyons optimistes car je sens se lever dans ce pays l'esprit résistant, l'esprit du bien et du sens commun, l'esprit de la grandeur de notre pays, son esprit profondément gaulliste. Nous allons traverser une période particulièrement difficile et j'ai déjà exprimé dans ces colonnes les meilleures façons à mon sens de s'en prémunir ou de vivre le moins mal possible ces moments qui seront historiques. Mais Attali a raison sur plusieurs points. Nous arrivons à la croisée des chemins et Hollande a échoué comme un bleu sur l'ensemble de ses paris dont le plus risqué était celui d'attendre le retour de la croissance salvatrice. Il n'y aura rien pour le sauver, au contraire : avec l'augmentation des taux américains, c'est une nouvelle série de krachs financiers, boursiers et obligataires qui nous attend.
Attali a raison lorsqu'il dit que l'Europe va sévir et va nous mettre sous tutelle. Ce jour-là, nous devrons choisir entre l'humiliation ou la guerre sinon, comme le disait Churchill, nous aurons l'humiliation et la guerre. Nous devrons quitter cette Europe et reprendre notre destin en main en affrontant ensemble notre réalité.
Attali a raison encore dans son calendrier car le budget, qui sera présenté et que nos ministres y compris le premier d'entre eux Valls tentent de vendre à Merkel, prouve bien l'absence de volonté politique, en tout cas pour le moment. Mais pensez-vous que cette majorité, engluée dans les scandales, puisse réussir maintenant à faire quoi que ce soit ? Rien, et l'action de Valls est chaque jour un peu plus condamnée à l'échec.
Je vous laisse donc lire Attali et vous forger votre propre opinion, celle de citoyens, politisés, conscients du bien commun et de l'intérêt public, garants de la liberté héritée dont nous sommes dépositaires et qu'il conviendra de léguer à nos enfants.
Rendez-vous le 2 octobre par Jacques ATTALI
« À tous ceux que l'avenir de la France pourrait intéresser, je donne rendez-vous ici même, le 2 octobre : son sort, ce jour-là, sera scellé, pour longtemps. D'ici à cette date, en effet, notre pays devra faire enfin les choix qu'il refuse obstinément d'effectuer depuis 20 ans, malgré tous les conseils, tous les livres, tous les discours.
Récapitulons les dates importantes du mois à venir :
- Ce mercredi 10 septembre, le gouvernement doit faire connaître la trajectoire qu'il choisit pour 2015. Ce choix est crucial, puisqu'il détermine le sort du pays jusqu'en 2016, année en principe pré-présidentielle, pendant laquelle tout le monde s'empressera de ne rien faire. Les choix qui restaient à trancher avant ce mercredi étaient immenses. Faut-il avouer au pays que les déficits publics ne sont pas sous contrôle et que la France rejoindra bientôt le triste club des pays dont la dette publique est supérieure à son PIB ? Faut-il se résigner à des déficits durablement supérieurs à 4 % du PIB, à la différence de tous les autres pays européens ? Ou, au contraire, faut-il enfin faire d'énormes réformes et de cruelles économies pour maîtriser ces dérives ? Faut-il encore augmenter les impôts ? Et lesquels ? Faut-il se résigner à une déflation suicidaire ? Faut-il libérer les forces de la croissance au risque de déchaîner la coalition de tous les conservatismes ? J'ai ma réponse à ces questions. Je ne sais pas, à l'instant où j'écris, celle qui sera donnée par le gouvernement. La suite du calendrier ne l'incite pas à l'audace ?
- Le vendredi 12 septembre, la structure du budget doit être communiquée au Haut conseil des finances publiques et aux autres pays européens, dont les ministres des Finances seront réunis pour cela à Milan.
- Le mardi 16 septembre, le Premier ministre doit demander la confiance du Parlement, qui sera d'autant plus difficile à obtenir qu'il aura pris les mesures très difficiles auxquelles nul n'a préparé le pays.
- Le jeudi 18 septembre, le président de la République donnera la quatrième conférence de presse semestrielle de son mandat.
- Le mercredi 24 septembre, ou quelques jours plus tard en raison d'un déplacement du Président à l'ONU, le budget détaillé sera présenté en Conseil des ministres puis, le jeudi 2 octobre, déposé au Parlement.
- Le dimanche 28 septembre auront lieu les élections sénatoriales.
Tout, alors, sera joué.
Si, ce mercredi, le gouvernement choisit la solution courageuse, qui consiste à purger tous les écarts antérieurs pour se redonner de la marge, il lui faudra annoncer des économies de plus de 25 milliards en 2015, et une hausse de deux points au moins de la TVA, ou autant de petites contributions fiscales infiniment plus douloureuses ; il pourrait alors craindre de ne pas avoir l'approbation du Parlement six jours plus tard.
S'il ne le fait pas, la France sera, avec l'Italie, le seul pays d'Europe refusant de se réformer. Le seul pays en route vers la faillite et la ruine de ses habitants. Le seul pays traité, à juste titre, par ses partenaires européens, de « cigale prétentieuse », de lâche inconscient, de fossoyeur de l'Union. Celle-ci pourrait (devrait, même, en application des traités) mettre notre pays sous tutelle et envoyer ses représentants afin d'établir le budget à notre place, comme ce fut le cas en Grèce ou au Portugal. Exactement comme on traite une personne incapable de gérer ses finances.
Voici le choix. Voici les enjeux. Au lieu de s'occuper d'anecdotes nauséabondes, les hommes politiques, de gauche comme de droite, ne devraient débattre en public que de cette question : que faire d'ici le 2 octobre prochain ?
Ce jour-là, je dirai ce que je pense de ce que le pouvoir aura décidé pour l'avenir de notre pays : aura-t-il choisi d'agir ou se sera-t-il bercé de l'illusion qu'il a encore du temps ? Croira-t-il que chacun peut s'en sortir seul, ou continuera-t-il d'entretenir une juxtaposition de groupes de pression quémandant chacun une part de plus en plus grande d'un gâteau de plus en plus petit ?
À lui d'en décider. À vous d'en juger. Rendez-vous le 2 octobre. »
Préparez-vous et restez à l'écoute.
À demain? si vous le voulez bien !!
Charles SANNAT
« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes » (JFK)
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