Une grosse entreprise n'a pas grand chose à craindre à part un changement d'usage.
La Défense est un quartier d'affaires et ce qui se passe là-bas illustre parfaitement les effets d'un changement d'usage.
Télétravail, inflation… Les commerçants de La Défense « en grande détresse »
« Esther Miquel, restauratrice et responsable de l'association Action Défense, alerte sur les nombreuses fermetures de commerces dans le quartier d'affaires depuis la fin du Covid.
En 2022, La Défense s'est félicitée d'une année « exceptionnelle » concernant la location d'espaces de bureaux. Mais du côté des commerçants, on tire la sonnette d'alarme. Deux ans après la crise sanitaire, ils peinent à retrouver leur niveau d'avant-Covid. La faute au télétravail essentiellement, qui vide le plus grand quartier d'affaires d'Europe de ses travailleurs plusieurs jours par semaine. Une perte non négligeable pour les commerces, qui sont de plus en plus nombreux à baisser définitivement le rideau.
Typiquement en tant que restaurateur, ma plus grosse clientèle ce sont les employés. J'ai énormément de clients le mardi, à tel point que je suis obligée d'en refuser. Donc j'en perds d'une certaine manière. Sauf que les lundis et vendredis, comme il y a moins de monde, ça ne compense pas. C'est très déséquilibré.
Ça ne touche que les restaurateurs ?
EM : Juste après le Covid, oui essentiellement. Mais petit à petit, ça a impacté d'autres commerces et ils sont de plus en plus nombreux à mettre la clé sous la porte. En deux ans, il y a eu de nombreuses fermetures, notamment de commerçants qui étaient là depuis des années et pour qui ça marchait très bien. Mais ça devenait impossible de continuer car ils ne pouvaient plus assumer les charges.
On est actuellement en train de les recenser donc je n'ai pas de chiffre exact. Mais parmi les plus emblématiques, il y a deux coiffeurs du centre commercial, un bureau de tabac, un Franprix, le Prêt-à-Manger, qui était le premier de France, Marionnaud du CNIT… Et plein d'autres petites enseignes. Et ça devrait continuer. »
Voilà pour l'essentiel du tableau.
Après cet article rentre dans le détail de la situation des restaurateurs de la Défense qui sont de surcroît soumis à des loyers « d'autrefois » absolument exorbitants.
« Financièrement, avez-vous une estimation de la perte du chiffre d'affaires ?
EM : On est tous à peu près à la moitié des objectifs, sachant que nos objectifs c'est ce qui nous permet de vivre, pas de gagner de l'argent. C'est très compliqué, d'autant plus qu'en dehors de la problématique du télétravail, le coût des matières premières a augmenté, donc il a fallu le répercuter en élevant légèrement les prix. Sauf que parallèlement, le pouvoir d'achat a diminué et les clients consomment moins.
On doit aussi faire face à l'exposition des coûts de l'énergie. Ma facture énergétique est passée de 1 500 à 11 000 euros, et c'est pareil chez mes voisins. On est de plus en plus nombreux à ne plus pouvoir payer les loyers et donc à recevoir des avis d'expulsion de la part des propriétaires. On est pratiquement tous au tribunal.
C'est votre cas aussi ?
EM : Je suis passée trois fois au tribunal. J'ai dû vendre ma maison, qui n'était pas finie de payer, pour assumer mon loyer et pour ne pas être expulsée. Je n'accepte pas d'avoir trimé autant pour que ça se finisse comme ça. Je suis prête à faire une grève de la faim si ça doit arriver.
Qu'est-ce que vous réclamez de la part du gouvernement ?
EM : On voudrait qu'ils annulent les PGE (prêt garanti par l'État) pour les commerçants de La Défense. On souhaite aussi l'annulation ou le gel des charges sur les salaires, au moins jusqu'aux Jeux olympiques de 2024. On sait qu'à cette période, les choses iront mieux. On trouve injuste que ceux qui sont là depuis longtemps, qui ont bossé pour, doivent mettre la clé sous la porte alors que dans un an, on sait que les choses vont s'arranger. »
Il n'est pas dit du tout que les JO soient une manne pour les restaurateurs de la Défense.
Au-delà des restaurateurs, c'est tout le modèle économique du quartier d'affaires le plus gros d'Europe qui vacille, avec aussi, en cas de baisse de loyers, une baisse importante des rendements de l'immobilier de bureaux, dont l'essentiel est logé dans les SCPI détenues par les épargnants.
Charles SANNAT
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