Ceux qui me suivent savent que cela fait des années que je plaide non pas pour un taux directeur qui s'apparente à une massue pour écraser un moustique sur une vitre, mais pour des taux directeurs multiples et différenciés.
Au départ était le verbe et aussi l'absence de technologie et d'informatique permettant de réaliser cette différenciation.
Il y avait donc « un » prix de l'argent et un taux directeur.
Les banques centrales montent ou baissent ce taux unique en fonction de critères les plus classiques étant soit trop d'inflation, soit trop de crédits, soit la présence d'une bulle spéculative trop importante.
Le problème c'est que LE taux directeur s'applique à toute l'économie.
Si vous augmentez les taux pour lutter contre une bulle immobilière, cela va pénaliser également toutes les PME qui veulent emprunter pour investir, ou l'acheteur de voiture neuve qui n'a rien à voir avec l'acheteur d'un appartement en pleine bulle immobilière.
Résultat ?
La politique monétaire n'a aucune finesse.
Les banquiers centraux n'ont qu'une politique binaire à leur disposition.
Plus ou moins.
1 ou 0…Et le binaire, c'est plus 0 que 1.
Aujourd'hui nous pourrions avoir un taux pour l'immobilier (en surchauffe), un taux pour les prêts personnels, pour les achats de voitures thermiques, ou électriques différenciés. Nous pourrions avoir un taux pour les PME, ou pour les grandes entreprises. Un taux pour une opération à l'international ou sur le territoire européen. Plus cher à l'étranger, moins cher en Europe ce qui favoriserait les investissements intra zone euro par exemple.
Bref, nous pourrions avoir une politique monétaire qui agirait avec une grande finesse, ce qui permettrait de limiter les bulles, de combattre certaines augmentations de prix sans écraser l'ensemble de l'économie.
Dans cet article du Monde vous découvrirez que l'idée commence à infuser sur une telle possibilité. (Source Lemonde "La Banque centrale européenne pourrait accompagner la hausse des taux d'un taux spécial pour le financement des investissements favorables à l'environnement")
« La Banque centrale européenne pourrait accompagner la hausse des taux, d'un taux spécial pour le financement des investissements favorables à l'environnement »
« Les deux économistes Jens van't Klooster et Eric Monnet proposent, dans une tribune au « Monde », de renouer avec la politique monétaire d'appui aux exportations, en vigueur jusque dans les années 1990, en soutenant cette fois les investissements écologiques.
La Banque centrale européenne (BCE) a continué, en juillet, d'augmenter ses taux d'intérêt pour lutter contre l'inflation ; la plus rapide hausse de son histoire en un an. Les débats que soulèvent cette décision ne se limitent plus aujourd'hui au risque de récession économique.
Comme dans beaucoup d'autres domaines, la prise en compte des enjeux environnementaux bouleverse notre manière de concevoir la politique monétaire. Même si les banques centrales évoquent de plus en plus l'impératif écologique, elles n'ont pas encore totalement pris la mesure des nouveaux dilemmes liés à la préservation de l'environnement. Il est en particulier nécessaire que la hausse des taux d'intérêt ne compromette pas aujourd'hui des investissements meilleurs pour l'écologie, qui de surcroît limiteront la dépendance de nos économies à des chocs inflationnistes futurs.
Double problème
La hausse des taux d'intérêt pourrait, en effet, freiner des investissements nécessaires à la transition écologique, dans les énergies renouvelables par exemple. Une banque centrale qui souhaite préserver la stabilité des prix ne peut en ignorer les conséquences sur l'inflation. Si le prix du carbone augmente et qu'il y a eu insuffisamment d'investissements dans les transports, l'industrie ou l'agriculture pour permettre une production moins intensive en carbone, les prix à la consommation augmenteront également.
Pour les pays les plus polluants et émetteurs de carbone, le problème est double : sous-investir aujourd'hui dans certains secteurs, y compris pour accompagner l'arrêt d'activités polluantes, peut aggraver la crise environnementale et augmenter la fréquence d'événements inflationnistes (pensons, par exemple, à l'impact de la sécheresse et des incendies sur l'agriculture).
La BCE, notamment par la voix d'Isabel Schnabel (« Monetary Policy Tightening and the Green Transition », Stockholm, 10 janvier 2023), a évoqué ce nouveau dilemme de politique économique, en reconnaissant que les problèmes climatiques et la nécessaire hausse du prix des énergies fossiles sont une source potentielle d'inflation. Elle reste toutefois prisonnière de l'idée selon laquelle la politique monétaire ne peut aider l'investissement écologique que si elle est expansionniste, c'est-à-dire que les taux d'intérêt baissent et que la Banque centrale achète des titres financiers. »
Sauf que si les banques centrales ne le font pas, c'est qu'il y a une raison…
Et il n'est pas certain que cette raison soit très avouable, tant l'idée de taux différenciés aurait une immense efficacité économique. Je ne parle pas du cas spécifique des prêts « écolo », il s'agit de l'écume des choses et ce n'est pas le sujet.
Le sujet c'est de piloter l'ensemble des secteurs différemment. Ceux qui ont besoin d 'argent doivent avoir des taux préférentiels et ceux qui sont en surchauffe doivent avoir des taux plus élevés.
Si nous ne le faisons pas c'est que les hausses de taux massue, pour toute l'économie, permettent d'écraser toute l'économie et les prix de tous les actifs. Les petits amis des grands mamamouchis, qui savent quand les taux vont monter avant les autres et quand ils vont baisser à nouveau avant tout le monde, peuvent racheter les actifs à la casse et les revendre à prix d'or.
Les banques centrales organisent ainsi d'immenses transferts de richesses. Volontairement.
Il n'est donc pas certain que cette idée recueille un grand succès auprès des grands argentiers.
Pourtant, dans un monde VICA, volatil, incertain, complexe et ambigu, les taux différenciés sont évidemment une réponse essentielle pour moderniser considérablement le pilotage de la politique monétaire et la rendre moins brutale et surtout plus efficiente, pour un monde meilleur et le bien des populations.
Rêvons un peu… on ne sait jamais !
Charles SANNAT
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