L'AIE, c'est l'Agence internationale de l'énergie et elle vient de rendre son rapport 2018 sur les perspectives du marché pétrolier mondial. L'AIE est l'un des acteurs de référence du monde de l'énergie. Ses prévisions ne sont jamais prises à la légère, et chaque mot, chaque terme de ses rapports est pesé, disséqué, analysé, et peut déclencher des mouvements financiers considérables.
Souvenez-vous, pour mes lecteurs stratégistes, du dossier spécial que j'avais consacré aux guerres de l'énergie pour mieux comprendre aussi bien les mouvements financiers que les conflits et les problématiques géopolitiques contemporains.
Cette prudence de l'AIE signifie que bien souvent, les rapports de l'agence font pour le moins preuve d'une grande sobriété. On va inclure des termes avec une infinie prudence et c'est particulièrement le cas avec le concept anglo-saxon du ?peak oil? ou ?pic pétrolier? que vous retrouverez dans ce rapport posé comme une évidence, alors que nombreux sont ceux encore qui débattent publiquement et sans fin du sexe des anges.
Comme il était prévu depuis fort longtemps, et c'est sans doute l'information la plus importante, les États-Unis ont conservé leurs réserves stratégiques de pétrole pour qu'elles soient utilisées après avoir épuisé les ressources des autres nations. Désormais, la nouvelle Arabie saoudite, et pour quelques années, ce sera l'Amérique, ce sera l'Amérique la variable d'ajustement de la production mondiale et la seule ressource complémentaire pour alimenter les marchés mondiaux. Le pouvoir américain géo-éco-politique s'en trouvera considérablement amélioré dans les années qui viennent et ceux qui parient sur l'effondrement du ?pétrodollar? pourraient avoir une sacrée surprise.
Autre sujet évoqué, le Venezuela, qui voit sa production décroître considérablement. Pendant ce temps, le président vénézuélien lance sa cryptomonnaie basée sur le pétrole qu'il n'a pas, ce qui peut s'apparenter à une ?escroquerie? d'État. Cette conclusion n'est pas du tout dans le rapport de l'AIE qui se contente de donner les chiffres de production, mais c'est la conclusion logique à laquelle il faut parvenir : acheter du ?Petro? n'est pas l'idée du siècle.
Enfin, sans hésitation, le pétrole va connaître une autre phase de hausse importante, et pour ceux qui peuvent prendre une position longue de deux ans ou trois ans, jouer le choc pétrolier de 2020 dès maintenant peut être une excellente idée. D'ailleurs, hier, je vous parlais justement, dans mon édito, du retour des.. matières premières comme alternatives de placement à l'heure actuelle.
Voici la traduction rien que pour vous du communiqué officiel de l'Agence internationale de l'énergie.
Source : communiqué sur le rapport de l'AIE directement sur le site de l'Agence internationale de l'énergie ici
?Au cours des trois prochaines années, les gains réalisés aux États-Unis couvriront à eux seuls 80 % de la croissance de la demande mondiale.
Selon le dernier rapport annuel de l'Agence internationale de l'énergie sur les marchés pétroliers, la croissance de la production pétrolière des États-Unis, du Brésil, du Canada et de la Norvège peut maintenir l'offre mondiale à un niveau élevé, ce qui ne suffira pas à répondre à la croissance de la demande mondiale de pétrole d'ici 2020, car il faudra investir davantage pour stimuler la production par la suite.
Au cours des trois prochaines années, les gains réalisés aux États-Unis couvriront à eux seuls 80 % de la croissance de la demande mondiale, le Canada, le Brésil et la Norvège ? tous membres de la famille de l'AIE ? étant en mesure de couvrir le reste, selon Oil 2018, l'analyse et les prévisions quinquennales de l'AIE.
Mais le rapport constate qu'en dépit de la baisse des coûts, des investissements supplémentaires seront nécessaires pour stimuler la croissance de l'offre après 2020. L'industrie pétrolière doit encore se remettre d'une baisse sans précédent de deux ans des investissements en 2015-2016, et l'AIE ne voit guère ou pas d'augmentation des dépenses en amont à l'extérieur des États-Unis en 2017 et 2018.
?Les États-Unis sont prêts à mettre leur production sur les marchés mondiaux du pétrole pour les cinq prochaines années?, a déclaré le Dr Fatih Birol, directeur exécutif de l'AIE. ?Mais comme nous l'avons souligné à maintes reprises, la faiblesse de l'investissement mondial demeure préoccupante. Davantage d'investissements seront nécessaires pour compenser le déclin des gisements pétroliers ? le monde doit remplacer 3 mb/j de baisses chaque année, l'équivalent de la mer du Nord ? tout en répondant à une forte croissance de la demande.?
Stimulée par la croissance économique en Asie et la reprise de l'industrie pétrochimique aux États-Unis, la demande mondiale de pétrole augmentera de 6,9 Mb/j d'ici 2023 à 104,7 Mb/j, selon l'AIE.
La Chine demeure le principal moteur de la croissance de la demande, mais des politiques plus rigoureuses pour freiner la pollution atmosphérique ralentiront la croissance. L'augmentation de la pénétration des autobus électriques et des camions à GNL aura un impact plus important sur la réduction de la consommation de carburants que l'électrification des véhicules à passagers.
Aux États-Unis, les normes d'économie de carburant pour les voitures particulières freineront la demande d'essence grâce à la croissance du secteur pétrochimique, qui est florissant grâce à l'éthane à faible coût. Les nouvelles capacités pétrochimiques mondiales représenteront 25 % de la croissance de la demande de pétrole d'ici 2023. Entre-temps, une nouvelle règle sur les combustibles marins à faible teneur en soufre, qui entrera en vigueur en 2020, crée de l'incertitude sur le marché.
La capacité de production mondiale de pétrole devrait augmenter de 6,4 Mb/j pour atteindre 107 Mb/j d'ici 2023. Grâce à la révolution du schiste argileux, les États-Unis arrivent en tête, avec une production totale de liquides atteignant près de 17 mb/j en 2023, contre 13,2 mb/j en 2017. La croissance est tirée par le bassin Permien, dont la production devrait doubler d'ici 2023.
La voie est libre pour acheminer ces barils supplémentaires sur les marchés mondiaux. Grâce à de nouveaux investissements dans des pipelines et d'autres infrastructures qui atténuent les goulets d'étranglement actuels, la capacité d'exportation de pétrole brut américain atteint près de 5 mb/j d'ici 2020 et Corpus Christi (ville du Texas avec des infrastructures de dingue pour exporter le pétrole partout dans le monde, NDLR) renforce sa position de principal débouché pétrolier nord-américain.
La quasi-totalité de la croissance de la production de l'OPEP provient du Moyen-Orient. Au Venezuela, la production pétrolière a chuté de plus de la moitié au cours des 20 dernières années et les baisses devraient s'accélérer.
La forte baisse de la production vénézuélienne compensera les gains en Irak, ce qui se traduira par une croissance de la capacité de production de pétrole brut de l'OPEP de seulement 750 000 barils par jour d'ici 2023. À moins d'un changement des fondamentaux, le niveau effectif de la réserve mondiale de capacités inutilisées ne tombera qu'à 2,2 % de la demande d'ici 2023, soit le plus bas niveau depuis 2007.
Oil 2018 examine également une variété d'autres sujets, y compris les problèmes de qualité du pétrole brut résultant de l'augmentation rapide de la production américaine, de l'évolution des flux commerciaux et d'un excédent croissant des capacités de raffinage mondiales. Les routes commerciales mondiales du pétrole se déplacent vers l'Est, la Chine et l'Inde, remplaçant les États-Unis en tant que principaux importateurs de pétrole. Comme le pétrole marin parcourt de plus longues distances, la sécurité énergétique, l'une des principales missions de l'AIE, demeurera plus que jamais essentielle.?
Voilà, vaste programme. Gardez toujours un ?il sur l'énergie, l'énergie, l'énergie, c'est le nerf du système économique mondial et chaque année des milliers de personnes sont tuées et sacrifiées sur l'autel de l'énergie abondante et peu coûteuse, sens vital de notre système capitaliste carboné et non-soutenable à terme !
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