Il est bien trop tard pour ne rien faire mais trop tôt encore pour prendre des décisions définitives.
Face à la perspective d’une remise en cause des rétrocessions de commission, les conseillers en gestion de patrimoine indépendants ne peuvent se permettre le statu quo.
Pour autant, la nouvelle mouture de la directive MIF (Marchés d’instruments financiers), qui portera cette nouvelle contrainte réglementaire, n’est pas encore publiée et les incertitudes sur sa version finale ont même convaincu l’Autorité des marchés financiers, en juillet dernier, de ne pas fermement trancher sur les rétrocessions sur les instruments financiers logés dans les comptes gérés.
Dans ce contexte, la création d’une société de gestion ad hoc, envisagée par certains indépendants en réponse à cette future interdiction, apparait très ambitieuse car son modèle économique nécessite des encours conséquents.
La lourdeur de l’infrastructure désormais nécessaire à l’obtention de l’agrément de l’Autorité des marchés financiers (investissements informatiques importants, recrutements de ressources humaines très qualifiées) a augmenté les barrières à l’entrée ces dernières années.
Et c’est ainsi qu’une forte proportion des 600 acteurs du secteur accuse des pertes, selon les dernières enquêtes menées par l’AMF.
Une telle initiative ne peut donc pas être prise seulement dans une logique défensive.
Cependant, les conseillers indépendants ne doivent pas non plus s’interdire de s’impliquer d’une manière plus formelle dans la gestion des portefeuilles de leurs clients.
Leurs compétences, leurs conseils peuvent légitimement se concrétiser par un service bien identifié et dûment rémunéré.
Dans cette perspective la délégation de gestion à une société de gestion de portefeuilles agréée par l’AMF offre une souplesse bienvenue dans un contexte réglementaire mouvant et face à une conjoncture incertaine pour les métiers de l’épargne.
En outre, la délégation de gestion a l’avantage de garantir au conseiller d’être bien « MIF compliant ».
La répartition des frais entre le gérant, le distributeur, le dépositaire, l’assureur fait l’objet d’une grande transparence et de même l’adaptation de la stratégie d’investissement au profil du client est permanente : un atout non négligeable vis-à -vis des autorités mais aussi vis-à -vis de la clientèle face à des fonds de fonds ouverts dont les profils de risque ont la fâcheuse tendance à dériver au fil des années.
Concrètement, la délégation de gestion permet au conseiller en gestion de patrimoine d’alléger la charge de travail propre au suivi de portefeuille, ainsi que la responsabilité juridique (ce qui n’est pas secondaire en ces temps de judiciarisation des relations épargnants -distributeurs).
Mais le CIF (conseiller en investissements financiers) ne perd pas pour autant le contact avec son client, ni ne s’éloigne de la gestion.
Bien au contraire, son statut de conseiller du fonds justifie l’octroi d’une rémunération à ce titre par la société de gestion.
Par ailleurs, le futur cadre réglementaire issu de MIF 2, qui devrait donc s’avérer plutôt contraignant, n’empêchera nullement de valoriser et de facturer auprès des clients les services apportant une véritable valeur ajoutée.
Or les outils qui seront à la disposition du conseiller, dans le cadre de la délégation de gestion, lui permettront d’élaborer, au bénéfice de chacun de ses clients, de très riches reportings personnalisés, agrémentés de commentaires de gestion, ce qui matérialisera le suivi de la gestion, qui aura naturellement vocation à être rémunéré.
L’enjeu pour le nouveau marché de la gestion privée qui se dessine est bien aussi de permettre aux clients patrimoniaux de continuer à avoir accès à une offre de gestion qui ne se limite pas aux produits souvent standardisés des grands réseaux bancaires et d’assurance.
Le risque de devoir réserver, encore plus que par le passé, à un nombre restreint de clients fortunés haut de gamme à même d’assumer des honoraires de conseil, l’accès à une gestion indépendante, de conviction, est réel.
Le caractère aujourd’hui relativement concurrentiel de l’univers de la distribution, sur le marché français, doit dans cette perspective être préservé.
Il est naturellement gage d’une bonne qualité de l’offre de produits d’épargne.
Un objectif central aux yeux des régulateurs qui ont promu cette réforme.
Ils devront donc s’assurer que le remède n’est pas pire que le mal.
Par Jean-François Valentin, Directeur Marketing et Commercial chez 360 AM.
0 Commentaire