Flash marchés : les banques centrales entretiennent le flou, par Edmond de Rothschild AM.
- L'incertitude a rarement été aussi grande concernant la marche à suivre pour les banques centrales.
- Les risques de récession économique se sont sensiblement accrus.
- Les doutes importants quant à la réaction des banques centrales et l'issue incertaine de l'élection américaine, nous ont conduits à réduire tactiquement le risque sur les marchés d'actions.
L'incertitude a rarement été aussi grande concernant la marche à suivre pour les banques centrales, prises en étau entre des signes de faiblesse économique et une inflation qui peine encore à revenir vers la cible de 2%. La volatilité sur les marchés a particulièrement été alimentée par les statistiques américaines, notamment les créations d'emplois qui sont ressorties en-dessous des attentes (142 k vs. 164 k attendu et 89 k en juillet), et surtout ont été révisées à la baisse pour les deux mois précédents (-86 k au total). Alors que cette perte de vitesse rapide du marché du travail pourrait être un argument suffisant pour inciter la Fed à accélérer le rythme de son assouplissement monétaire comme l'espérait la plupart des investisseurs (la probabilité d'une baisse des taux directeurs de -50 pb à la réunion de septembre était largement majoritaire), la mauvaise surprise sur l'inflation CPI cœur est venue tempérer ces attentes, d'autant que les dernières prises de parole de membres de la Fed ne se sont pas montrées très volontaires à commencer le desserrement monétaire à un rythme aussi soutenu.
Pourtant, dans le détail, cette persistance des pressions inflationnistes est principalement liée à la composante logement, laquelle ne devrait se normaliser qu'avec retard et dont le poids est moindre dans l'inflation PCE (mesure préférée par la Fed). Ceci devrait conforter les membres les plus dovishs de l'institution, y compris Jérôme Powell lui-même si l'on en croit son discours très accommodant à Jackson Hole, et ce n'est d'ailleurs probablement pas un hasard si des articles de presse bien informés ont été publiés ces dernières heures pour remettre sur la table l'option -50 pb. L'incertitude est telle que les investisseurs sont désormais parfaitement partagés entre les deux possibilités (-35 pb de baisse des taux attendue la semaine prochaine vs -49 pb début août), sans pour autant empêcher les taux souverains de poursuivre leur tendance baissière, en particulier sur la partie courte de la courbe américaine (-16 pb depuis vendredi dernier sur le 2 ans).
Les taux européens sont également restés sur la même dynamique, et ce malgré un discours moins dovish qu'attendu de la part de la BCE. Si cette dernière a bien procédé à une deuxième baisse de son principal taux directeur de -25 pb, Christine Lagarde s'est refusée à donner quelque indication que ce soit quant au rythme d'assouplissement monétaire qui devrait suivre. Son commentaire indiquant que l'institution ne disposerait pas d'éléments suffisants d'ici la prochaine réunion d'octobre pour agir de nouveau à ce moment-là aurait même pu inquiéter les investisseurs, mais là encore des informations de presse sont venues nuancer ces propos par la suite en laissant la porte ouverte à cette éventualité.
De leur côté, les marchés d'actions ont certes également connu une semaine volatile mais parviennent tout de même à enregistrer des gains non négligeables, soutenus par le recul additionnel des taux souverains mais aussi les commentaires positifs de Nvidia concernant la vigueur de la demande dans le segment de l'intelligence artificielle. Ces derniers expliquent en grande partie la surperformance du NASDAQ par rapport au S&P 500 mais aussi celle des indices américains par rapport à leurs pairs européens.
Enfin, la semaine a été marquée par les violents mouvements sur le pétrole, le Brent étant même passé temporairement sous le seuil de 70 $/b pour la première fois depuis fin 2023, sur fond de craintes sur la croissance économique mondiale, avant que la mise à l'arrêt d'une bonne partie de la production américaine en raison de l'ouragan Francine ne permette au Brent de revenir au-dessus de 72 $/b.
Dans un contexte où les risques de récession économique se sont sensiblement accrus, de doutes importants quant à la réaction des banques centrales et de l'issue incertaine de l'élection américaine, nous avons décidé de réduire tactiquement le risque sur les marchés d'actions.
Actions européennes
Les marchés européens ont affiché une performance positive sur la semaine, avec le Stoxx Europe 600 en hausse de +1,5%, soutenu par le secteur technologique. La Banque centrale européenne a abaissé ses taux d'intérêt jeudi, comme largement attendu, réduisant le taux directeur de 0,25 point de pourcentage à 3,5%. Cette semaine a également été marquée par la publication du retentissant rapport Draghi, qui agite la menace du sous-investissement et appelle à une relance accrue en Europe. Bien qu'elle ait qualifié le rapport de formidable, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, n'a pas indiqué qu'il aurait un impact immédiat sur les décisions de la banque centrale. La présidente de la BCE a souligné qu'il s'agissait d'un signal d'alarme important pour les gouvernements, mais a également noté qu'il serait difficile de mettre en œuvre ses recommandations.
En France, le Groupe Bolloré a prévu de lancer une offre publique de retrait suivie d'un retrait obligataire sur les trois entités que sont Compagnie du Cambodge, Financière Moncey et Société Industrielle de Financière de l'Artois, dans le but de simplifier sa structure. Le conglomérat va proposer le rachat en cash ou en actions d'Universal Music Group. L'information a engendré de fortes réactions en Bourse : l'action de la Financière Moncey a ainsi bondi de +45% et celle de la Compagnie de l'Odet a gagné +8%. Le titre Bolloré, lui, a progressé de près de +7% à 6,10 euros. Le leader mondial français des services de paiements, Worldline, a chuté de plus de 17% vendredi, à la suite de l'annonce du départ de son directeur général en poste depuis onze ans, et de la révision à la baisse de ses perspectives pour 2024.
Mentionnons de surcroît la chute particulièrement marquée du secteur automobile, dans le sillage de BMW, qui a annoncé le rappel d'un million et demi de véhicules en raison d'un système de freinage défectueux et qui confirme les difficultés persistantes en Chine. De plus, Volkswagen, se trouve aujourd'hui dans une situation délicate. Le groupe envisage sérieusement la fermeture d'une usine automobile et d'une usine de composants en Allemagne. Cette décision, si elle se concrétise, marquerait un tournant historique pour l'entreprise.
Dans le secteur bancaire, UniCredit a acquis une participation de 9% dans le capital de Commerzbank. Une fusion potentielle pourrait prendre différentes formes et donnerait sens au rapport Draghi qui a évoqué la nécessité d'une consolidation du marché bancaire européen. En cas d'acquisition, un géant bancaire pourrait voir le jour, dont la valeur de marché atteindrait près de 74 milliards d'euros.
Enfin dans le secteur de la distribution spécialisée, Inditex a publié des résultats records avec un chiffre d'affaires en hausse de 10% par rapport au premier semestre 2023. Ces résultats, obtenus dans un contexte de forte concurrence, montrent la solidité du modèle économique du géant espagnol.
Actions américaines
Les indices ont connu un fort rebond cette semaine, effaçant complètement les pertes de la semaine précédente. Le Nasdaq 100 a retrouvé sa suprématie, enregistrant une hausse de 4,46%, dépassant le S&P500 qui a progréssé de +3,46%. On constate à nouveau un effet de concentration de marché sur des valeurs technologiques, au détriment des valeurs à faible capitalisation puisque celles-ci progressent seulement de +1,82%.
Le mouvement de rotation de cette semaine a bénéficié aux valeurs de l'intelligence artificielle (IA), suite aux commentaires de Jensen Huang, CEO de Nvidia, à l'occasion de la conférence technologique de Goldman Sachs. Celui-ci a souligné une demande toujours très forte pour les GPUs. Larry Ellison, CEO d'Oracle, a confirmé cette tendance, affirmant que nous ne sommes qu'au début de ce phénomène.
Dans le secteur de la santé, le cours de Moderna a chuté suite à la révision à la baisse de ses prévisions de revenus pour l'année 2025. Les dépenses en recherche & développement sont également revues à la baisse, dans une optique de réduction des coûts.
Dans le secteur des logiciels, le cours d'Adobe s'est replié en pré-marché : la révision à la baisse des prévisions des bénéfices par action (BPA) pour le quatrième trimestre l'emporte sur les bons résultats du troisième trimestre. La bonne performance du segment Média Digital ne devrait pas se prolonger au trimestre prochain. Les nouvelles sont par ailleurs plus encourageantes pour Unity : le nouveau CEO, Matthew Bromberg, annonce de nouvelles conditions plus favorables pour les petits studios. Cette décision montre que le nouveau management est à l'écoute de sa communauté. Dans le secteur de la consommation, Kroger affichede solides résultats pour le deuxième trimestre, malgré des signes persistants de « trade-down » et de pression sur le budget des consommateurs. Les performances de la partie « General Merchandise » sont encourageantes, tout comme les perspectives de maintien des marges. Enfin, concernant les financières, Ally a fait état d'une détérioration des crédits au dans le secteur automobile notamment, tandis que JPMorgan s'attend à un revenu net d'intérêts (Net Interest Income) en-dessous des attentes trop élevées pour 2025. Goldman Sachs anticipe une baisse des revenus de son activité de trading, attendue à -10% sur le trimestre. Quant à Bank of America (BofA), le géant bancaire se dit à l'aise avec son niveau actuel de provisions.
Marchés émergents
L'indice MSCI EM a terminé le mois en territoire positif après deux semaines de correction, avec une progression de 0,17% cette semaine à la clôture des marchés jeudi. Le Mexique, l'Inde et Taïwan ont enregistré les plus fortes hausses (respectivement 3,43%, 2,13%, et 0,86%). Le Brésil et la Chine ont cédé 0,99% et 0,82%. Quant au marché coréen, il a fait du surplace au cours de la période.
En Chine, l'IPC a été légèrement inférieur aux prévisions, avec un gain de 0,6% en glissement annuel en août, contre 0,7% attendu, et l'IPP a reculé de 1,8% en glissement annuel en août, un niveau également inférieur aux prévisions du marché (-1,4%). Les exportations ont augmenté de 8,7% en glissement annuel en août, le rythme le plus rapide depuis mars 2023, et les importations ont crû de seulement 0,5% en glissement annuel en raison de la faiblesse de la demande intérieure. Le gouvernement réfléchit sérieusement à relever progressivement l'âge légal de la retraite. L'UE semble disposée à réduire à la marge les droits de douane supplémentaires proposés pour les véhicules électriques importés de Chine. En août, les ventes de véhicules électriques neufs ont augmenté de 43% en glissement annuel, franchissant pour la première fois la barre du million. Alibaba a été ajouté à la liste des valeurs éligibles au système Hong Kong Stock Connect.
À Taïwan, les exportations ont atteint un nouveau sommet en août, avec une hausse de 16,8% en glissement annuel contre 8,5% anticipé. L'excédent commercial a atteint un niveau record, à 11,5 milliards de dollars. Le chiffre d'affaires de TSMC a augmenté de 33% en août par rapport à l'année précédente et le rendement de la production de son usine en Arizona est comparable à ceux des usines en fonctionnement à Taïwan.
En Corée, Hyundai Motor et GM ont signé un protocole d'accord en vue de renforcer leur collaboration dans le domaine de la conception de véhicules, de la chaîne d'approvisionnement et des technologies d'énergies propres. LG Chem est en pourparlers avec plusieurs investisseurs en vue de céder son activité dans le domaine de l'esthétique, dans le cadre d'un projet de cession de ses actifs non stratégiques.
En Inde, la croissance de l'IPC global est passée de 3,6% en juillet à 3,7% en août en raison de l'augmentation des prix des denrées alimentaires. La production industrielle a augmenté de 4,8% en glissement annuel en août, soit plus que prévu (4,6%). Le gouvernement a approuvé 700 milliards de roupies d'investissements dans des infrastructures routières dans les zones rurales et des centrales hydroélectriques. Dixon a annoncé qu'il avait trouvé un accord avec HP India pour fabriquer des ordinateurs portables, des ordinateurs de bureau et des PC tout-en-un dans le cadre du programme d'incitation PLI 2.0 dédié au matériel informatique. NXP Semiconductors va investir plus d'un milliard de dollars en Inde pour renforcer ses activités de R&D. Après 10 ans d'absence, le groupe français Carrefour devrait faire son retour sur le marché indien en tant que « distributeur », via un accord de franchise avec Apparel Group, basé à Dubaï.
Au Brésil, l'inflation a augmenté de 4,24% en glissement annuel en août, contre une hausse précédente de 4,50%. Les ventes de détail pour le mois de juillet ont augmenté de 4,4% en glissement annuel, conformément aux attentes. Gerdau et Petrobras se sont associés pour mener des projets de décarbonation. Eletrobras va demander une nouvelle extension des travaux de la Chambre de conciliation.
Au Mexique, l'inflation a augmenté de 4,99% en glissement annuel en août, contre une hausse attendue de 5,06%. La production industrielle a augmenté de 2,1% en glissement annuel au mois de juillet, un niveau supérieur aux attentes (0,8%). Le Sénat a validé une réforme du système judiciaire mexicain qui permettra aux électeurs d'élire les juges à tous les niveaux de juridiction, y compris à la Cour suprême.
Dettes d'entreprises : Crédit
Les actifs risqués étaient de nouveau bien orientés en deuxième partie de semaine, alors que le segment de la technologie américaine a bien rebondi dans un contexte de perspectives de baisse des taux d'intérêt américains. Le marché des obligations à haut rendement a été marqué cette semaine par la sous-performance du secteur automobile, avec une chute de 2 à 3,4 points pour les obligations des émetteurs Antoilin, Mahle et Standard Profil. Cette baisse est due à l'avertissement sur les résultats de BMW annoncé en milieu de semaine.
Le rythme d'émission ne faiblit pas pour les subordonnées financières. Quatre nouvelles CoCos ont été émises cette semaine, y compris par UniCredit, qui n'était plus actif sur le marché des CoCos depuis juin 2021. Les dernières transactions ont commencé à montrer des signes de fatigue de la part des investisseurs, avec des carnet d'ordres légèrement moins sursouscrits que la semaine précédente, et des coupons finaux légèrement moins abaissés. Le marché primaire des oligations à haut rendement a également été relativement dynamique avec trois émissions. Deux émetteurs américains, IGT et Perrigo, ainsi qu'Azelis, une société de chimie belge, ont émis de nouvelles obligations, qui ont été bien accueillies par le marché.
La grande nouvelle de la semaine dans le secteur de la dette financière est la prise de participation d'UniCredit dans la deuxième plus grande banque allemande, Commerzbank, à hauteur de 9%. UniCredit aurait même demandé une autorisation afin de pouvoir dépasser le seuil des 10% à l'avenir. Cela pourrait-il marquer le retour de la consolidation transfrontalière en Europe ?
Sur la semaine, les obligations de bonne qualité et à haut rendement ont affiché des performances stables. Depuis le début de l'année, les deux segments sont en hausse de respectivement +3,1% et +5,7%.
GLOSSAIRE
- Les titres « Investment Grade » désignent des titres obligataires émis par des entreprises dont le risque de défaut de paiement varie de très faible (remboursement presque certain) à modéré. Ils correspondent à une échelle de notation allant de AAA à BBB- (notation Standard&Poor's).
- Les titres « High Yield » sont des obligations d'entreprises présentant un risque de défaut supérieur aux obligations Investment Grade (ou catégorie investissement) et offrant en contrepartie un coupon plus élevé.
- La dette senior bénéficie de garanties spécifiques. Son remboursement se fait prioritairement par rapport aux autres dettes, dites dettes subordonnées.
- La dette est dite subordonnée lorsque son remboursement dépend du remboursement initial des autres créanciers.
- Tier 2 / Tier 3 : segment de la dette subordonnée.
- La duration correspond à la durée de vie moyenne d'une obligation actualisée de tous les flux (intérêt et capital).
- Le spread désigne l'écart entre le taux de rentabilité actuariel d'une obligation et celui d'un emprunt sans risque de même maturité.
- Les valeurs dites «Value » sont considérées comme sous-évaluées.
- EBITDA est l'acronyme de Earnings before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization (en français : résultat d'exploitation avant intérêts, impôts et amortissement). Il mesure donc la création de richesse avant toute charge calculée. Il trouve son équivalent français en l'EBE (Excédent brut d'exploitation).
- Le terme "Quantitative Easing" désigne un type de politique monétaire dit non conventionnel auquel peuvent avoir recours les banques centrales dans des circonstances économiques exceptionnelles.
- Un « stress test » est une techniques destinée à évaluer la résistance d'institutions financières.
- L'indice PMI, pour "Purchasing Manager's Index" (indice des directeurs des achats), est un indicateur permettant de connaître l'état économique d'un secteur.
- Coco (contingent convertible bonds) : format de dette subordonnée.
- Mortgage : une hypothèque est un instrument financier de garantie d'une dette.
- Les AT1 font partie d'une famille de titres de capital bancaire connus sous le nom de convertibles contingents ou «Cocos». Convertibles parce qu'elles peuvent être converties d'obligations en actions (ou dépréciées entièrement) et contingentes parce que cette conversion ne se produit que si certaines conditions sont remplies, comme la solidité du capital de la banque émettrice tombant en dessous d'un seuil de déclenchement prédéterminé.
A propos d'Edmond de Rothschild AM
Maison d'investissement de convictions fondée sur l'idée que la richesse doit servir à construire demain, Edmond de Rothschild est spécialisé dans la Banque Privée et la Gestion d'actifs. Au service d'une clientèle internationale de familles, d'entrepreneurs et d'investisseurs institutionnels, le Groupe est également présent dans les métiers de Corporate Finance, de Private Equity, de l'Immobilier, de la Dette d'infrastructure et de Fund Services.
Son caractère résolument familial confère à Edmond de Rothschild l'indépendance nécessaire pour proposer des stratégies audacieuses et des investissements de long terme, ancrés dans l'économie réelle.
Créé en 1953, le Groupe gère 163 milliards d'euros d'actifs sous gestion et compte 2 600 collaborateurs et 29 implantations dans le monde.
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