La réunion de la BCE hier n'a pas réservé de surprises majeures concernant le diagnostic économique en zone euro et la politique monétaire à court terme qui reste inchangée. En revanche, des dissensions sont apparues entre membres du Conseil des gouverneurs concernant l'évolution à plus long terme du programme de rachats d'actifs contre la pandémie (PEPP), qui doit perdurer initialement jusqu'en mars 2022, ce qui a entrainé un regain éphémère de la volatilité de l'EUR/USD. Ces dissensions, si elles perdurent dans les mois à venir, pourraient nuire à la lisibilité de la politique monétaire et se traduire par un retour durable de la volatilité des paires en EUR. Même si l'EUR/USD manque de catalyseur à court terme, la tendance haussière de long terme est intacte. Nos objectifs sont les suivants : 1,2240 et 1,2545.
Ce qu'il faut retenir de la réunion de la BCE :
Pour ainsi dire, il n'y a que des bonnes nouvelles à mentionner. Pour la première fois depuis décembre 2018, le communiqué de la BCE indique que les risques pesant sur la croissance sont globalement limités. Quasiment tous les signaux sont au vert : la consommation des ménages connait un bond majeur depuis les mois d'avril et de mai, les entreprises ont résisté au pire de la crise et notamment à la crise de liquidité, et tout indique que le surplus d'épargne accumulé pendant les confinements va être injecté, au moins en partie, dans le circuit économique.
Dans ces circonstances, la BCE a revu à la hausse ses prévisions de croissance : 4,6 % cette année (avec une forte accélération attendue de l'activité économique au deuxième semestre), 4,7 % en 2022 et 2,1% en 2023 (un niveau qui correspond plus au potentiel de croissance à long terme de la zone euro).
Les prévisions d'inflation ont aussi été mises à jour. L'inflation, mesurée par l'indice des prix à la consommation, a été revue à la hausse pour 2021 et 2022, respectivement à 1,9 % et à 1,5 %. La prévision pour 2023 reste inchangée, à 1,4 %. En outre, l'inflation sous-jacente (hors prix de l'énergie et qui est suivie de près par la banque centrale) a été revue à la hausse pour les années à venir : progression de +20 points de base en 2022 et +10 points de base en 2023 par rapport à l'estimation précédente. Contrairement aux Etats-Unis où l'évolution de l'inflation est un sujet, la hausse des prix en zone euro devrait rester contenue à l'avenir (peu importe l'horizon temps ou la mesure choisie).
Enfin, lors de sa conférence de presse, la présidente de la BCE, C. Lagarde, a essayé de rassurer les opérateurs du marché des changes en confirmant qu'une sortie progressive des programmes de soutien monétaire actuellement en place n'est pas d'actualité. Une normalisation trop rapide de la politique monétaire risquerait de nuire à la reprise et d'entrainer un durcissement des conditions financières qui pourrait, entre autres, se traduire par un accès plus difficile au crédit pour les ménages et les entreprises.
L'impact immédiat sur l'EUR/USD :
La volatilité a été plus importante qu'on aurait pu l'anticiper sur l'EUR/USD au moment de la conférence de presse de C. Lagarde. En l'espace de trente minutes, la paire a chuté de près de 60 pips avant de renouer moins d'une heure après avec le niveau qui prévalait avant l'ouverture de la conférence de presse (autour des 1,2170-1,2180). L'annonce de divergences manifestes entre les membres du Conseil des gouverneurs de la BCE sur la suite à donner à la politique monétaire a été à l'origine du regain de la volatilité. C. Lagarde a mentionné « des divergences de vue ici et là » portant en particulier sur le programme de rachats d'actifs (PEPP) lancé en mars 2020 pour faire face à la pandémie. Dans l'immédiat, le programme devrait continuer en l'état pendant au moins les trois prochains mois. Mais si l'amélioration économique se confirme et si la Réserve Fédérale américaine décide d'adopter un ton un peu moins accommodant, il est probable que les dissensions entre faucons (partisans d'une normalisation de la politique monétaire) et colombes (partisans du statu quo) s'accentuent. La volatilité constatée sur l'EUR/USD hier après-midi traduit la crainte d'une montée en puissance des divergences au sein de la BCE qui pourrait nuire à la lisibilité de la politique monétaire en zone euro.
A l'inverse, hier après-midi, le marché des changes a plutôt bien réagi au bond de l'inflation américaine à 5% sur un an en mai. Bien que le chiffre soit supérieur aux attentes (consensus à 4,7 %), tous les opérateurs s'attendaient à ce que l'inflation connaisse une hausse significative, mais a priori temporaire, en lien avec l'effet de base lié aux prix de l'énergie (il y a un an de cela, à la même époque, les contrats sur le pétrole ont chuté en territoire négatif !). Un chiffre élevé n'était donc en rien une surprise.
Et maintenant ?
Le tempo va maintenant être donné par la Réserve Fédérale américaine qui se réunit la semaine prochaine, les 15 et 16 juin, dans un contexte particulier étant donné le regain d'inflation de l'autre côté de l'Atlantique. D'ici là, l'EUR/USD devrait encore stagner entre les 1,21 et les 1,22 comme ce fut le cas au cours des dernières séances. Nous voyons mal ce qui pourrait permettre une échappée durable au-dessus des 1,22 dans l'immédiat. L'euro manque cruellement de catalyseurs. Pour autant, la tendance haussière de moyen terme n'est pas invalidée. Le franchissement des 1,2240 est le prochain objectif majeur sur la paire, ce qui permettrait une accélération vers les 1,2545. Nous ajusterons, si nécessaire, notre scénario pour la paire en fin de semaine prochaine.
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