L'environnement désormais durablement déflationniste obère la capacité des valeurs dites défensives à maintenir leurs cash flows dans le temps.
La meilleure défense étant l'attaque, une meilleure sécurité réside dans les sociétés proactives, celles qui se donnent les moyens de défendre efficacement leurs marges.
Dans le climat de crise actuel, il est une crainte toujours bien ancrée : c'est celle d'un retour de l'inflation.
Le renchérissement des matières premières, la nécessité de purger le poids relatif des dettes publiques et les politiques monétaires expansionnistes de ces dernières années porteraient les germes d'une accélération programmée des prix.
Ces risques sont bien réels.
Mais ils cachent l'essentiel.
Car en même temps, la mutation des comportements de consommation (essor du low cost, généralisation de la gratuité, accessibilité des offres via les nouvelles technologies…) crée des réflexes déflationnistes par ailleurs renforcés par la nature désormais hyperconcurrentielle de l'environnement économique.
Ce risque n'est pas que théorique, pour les entreprises.
Dans un nombre croissant de secteurs auparavant protégés, de nouveaux entrants laminent les marges des opérateurs historiques et obèrent leur capacité à créer de la valeur pour leurs actionnaires.
Une tendance d'autant plus forte que ce sont justement les anciens secteurs protégés qui recèlent le plus de valeur a priori et qui sont dès lors les pus vulnérables à l'irruption d'une forte concurrence low cost en cas de déréglementation ou d'ouverture programmée.
Un exemple : les télécommunications.
Après SFR et Bouygues Telecom, Orange vient de lancer sa marque low cost dans le mobile, pour contrer l'arrivée de Free.
Une initiative qui reflète une dégradation du mix produit et qui s'inscrit dans une tendance lourde de perte de parts de marché.
Au final, c'est la capacité-même de l'opérateur à protéger des cash flows, celle-là même qui séduisait il y a peu les investisseurs, qui est durablement mise à mal.
En termes boursiers, de nombreuses valeurs réputées défensives ont perdu leur potentiel boursier et leur capacité à protéger les portefeuilles.
Au cours des dix dernières années, france telecom a ainsi perdu 69% de sa valeur quand le cac40 abandonnait 32%.
Ce constat n'est pas propre au marché français puisqu'en Allemagne, Deutsche Telekom a sous-performé de 53% le DAX30 sur la même période.
Dans ce contexte, les politiques généreuses de dividendes menées par ces groupes ne suffisent plus à promettre une visibilité à moyen terme, encore moins à fidéliser des investisseurs à la recherche de valeurs refuge.
Et les télécommunications ne sont pas le seul secteur concerné.
D'autres pans de la cote dits défensifs, comme la pharmacie, accumulent des déboires similaires.
Valeur défensive emblématique des années 2000, le laboratoire Roche a ainsi perdu 22% de sa valeur en 2010, dans un marché pourtant globalement haussier.
Quant au leader mondial, Pfizer, sa valorisation a fondu de moitié en 10 ans, alors que l'indice DJIA gagnait 17%.
Aucun secteur dit défensif n'étant plus à l'abri des pressions déflationnistes, les investisseurs ne doivent plus sélectionner des sociétés sur leur seul capacité à dégager des cash flows à court terme, mais surtout sur leur aptitude à protéger ces mêmes cash flows dans le temps.
Car a contrario, des valeurs évoluant dans des secteurs réputés cycliques affichent depuis un an une performance positive, en dépit de leur supposée vulnérabilité à une croissance en berne.
Sont concernés des titres aussi divers que LVMH, air liquide ou encore Rémy Cointreau.
Leur point commun ? Ces sociétés ont su ériger des barrières à l'entrée (savoir-faire discriminant, marque reconnue…) suffisamment solides pour protéger leur croissance sur le long terme.
Autrement dit, leur pricing power leur permet de créer durablement de la valeur dans un environnement déflationniste, quand les anciens secteurs protégés n'arrivent plus à se projeter au-delà d'une à deux années.
Face à la gangrène de la déflation, les sociétés qui se contentent de gérer passivement une situation de rente amenée à disparaitre ne sont plus le refuge d'avant.
La meilleure défense étant l'attaque, une meilleure sécurité réside dans les sociétés proactives, celles qui se donnent les moyens de défendre efficacement leurs marges.
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