Derrière son apparente incapacité à se remettre en cause, la France change. Observé de longue date dans les pays d'Europe du Nord, le rapport pourtant évidant entre la dette publique et la politique budgétaire est soudainement entré dans le langage de nos gouvernants de tous bords.
C'est une conséquence (vertueuse) des déboires des PIGS, qui poussent en retour l'ensemble des états à reconsidérer leur politique économique et fiscale, mais surtout à en parler ouvertement et sans tabou.
C'est aussi une rupture.
La rigueur des plans d'austérité annoncés dans ces pays sous l'impulsion de la BCE, du FMI et des agences de notation amène les élites politiques françaises à s'approprier soudainement les termes de ce débat auparavant dissimulé.
Ces dernières gardent toutes en tête l'exemple de l'Italie, dont la note a été dégradée, alors même que le pays est en excédent primaire et qu'il dispose d'une grande marge de manœuvre pour redresser ses finances, notamment en matière de privatisations.
Car au fond, ce sont ici moins les fondamentaux économiques du pays qui ont été sanctionnés que les carences du politique.
Comment, dès lors, justifier que la France dépense 83 milliards d'euros de plus que l'Allemagne, quand sa population est inférieure de 20% ? Soutenable en temps normal, cette contradiction n'est plus tenable en temps de crise.
L'enjeu de cette remise en question est de taille.
Il en va de la sauvegarde du triple A et de capacité de la France à lever des fonds, alors même que le pays s'apprête à ravir à l'Italie la place peu enviable de premier émetteur de dette en euros à l'horizon 2013 (250 milliards d'euros seront alors à émettre).
L'exemple des émissions des PIGS, désormais couvertes à hauteur de seulement 120%, alors qu'elles étaient auparavant sursouscrites jusqu'à huit fois, atteste de ce changement de paradigme : le risque du défaut d'un émetteur souverain n'étant plus seulement théorique, une politique budgétaire doit désormais être crédible, de nature à donner confiance.
Entre une offre incontrôlée de dettes et une demande obligataire qui demande des comptes, qui a besoin d'une information claire et saine pour jauger la qualité de crédit d'un émetteur et lui attribuer un prix, les dirigeants ne doivent plus troquer leurs propres responsabilités contre la supposée omnipotence des marchés.
Ils ne peuvent d'ailleurs plus se réfugier derrière cette notion holiste et sciemment confuse de « marché » au profit d'une autre, plus précise, respectable et économiquement juste de « prêteurs ».
Nécessaires, les mesures de rééquilibrage des finances publiques promises doivent être accompagnées d'une pédagogie à ce jour trop lacunaire et d'une terminologie plus pertinente.
La politique a un sens.
Les mots aussi.
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