Les petites et moyennes capitalisations face au défi de l`analyse extra-financière
En matière d`analyse extra-financière, quelles sont les spécificités du marché des petites et moyennes capitalisations ?
Marie-Pierre Peillon : Globalement, nous constatons un accès plus difficile à la recherche ESG sur ce segment, a fortiori concernant les petites capitalisations. Cela s`explique par le fait que ces entreprises n`ont, d`une part, pas toujours les moyens (organisationnels, en ressources humaines ou en temps) de collecter, formaliser et publier leurs informations extra-financières, d`autre part, moins d`obligations réglementaires en la matière comparées aux grandes entreprises, bien que la réglementation CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) introduise un périmètre d`application plus large et inclusif, couvrant désormais près de 49000 entreprises européennes, contre 12000 avec NFRD (Non Financial Reporting Directive). Ainsi, à l`heure actuelle, disposant de relativement peu de données disponibles, les agences de notation extra-financière ont tendance à dégrader les notes des petites entreprises. Cette ` inefficience ` peut entretenir une forme de ` biais de notation `, l`évaluation ne reflétant pas toujours la réalité de l`entreprise, et se traduire par un détournement des flux d`investissement des valeurs small et mid caps.
La ` rareté ` des données nuit à l`analyse
Marie-Pierre Peillon : C`est un frein. Dès lors, l`enjeu pour les gestionnaires d`actifs et les investisseurs est de compenser cette relative rareté de l`information, ainsi que le biais de notation, par des modèles de recherche et d`analyse propriétaires. Développer une méthodologie d`analyse ` maison ` permet de construire sa propre notation, en complément de la recherche fournie par les agences extra-financières. Cette approche s`avère incontournable lorsqu`on investit sur les petites et moyennes capitalisations.
` Une marge de progression importante sur le volet de la gouvernance `
Sur quel volet les petites et moyennes entreprises peuvent-elles progresser ?
Marie-Pierre Peillon : Nous observons une prise de conscience des directions d`entreprise sur les enjeux extra-financiers. Toutefois, c`est en matière de gouvernance que les plus grands progrès restent à faire. Il s`agit souvent de sociétés bien gérées mais dont l`équilibre des pouvoirs au sein des organes de décision n`est pas suffisamment explicité. La formalisation des garanties auprès des actionnaires minoritaires demeure aussi insuffisante.
Quel rôle peut jouer l`industrie financière auprès de ces sociétés ?
Marie-Pierre Peillon : Les investisseurs et gestionnaires d`actifs doivent tout d`abord accompagner les entreprises dans la définition et la formalisation de leurs enjeux ESG. Cela doit jeter les bases d`une approche partenariale, de dialogue, pour accompagner la progression des entreprises. A titre d`exemple, nous croyons beaucoup aux vertus de l`engagement actionnarial des investisseurs. Notre rôle est de sensibiliser les Conseils d`Administration des sociétés dans lesquelles nous investissons sur nos attentes, et cette approche passe nécessairement par le dialogue actionnarial d`une part, la politique de vote actionnarial d`autre part. Attention toutefois, chez Groupama AM ` engagement ` ne signifie pas ` activisme `. Nous privilégions toujours le dialogue à la sanction pour sensibiliser les directions aux bonnes pratiques.
Stéphane Fraenkel : Ce dialogue actionnarial est clé pour nous dans la mesure oû¹ nous sommes des investisseurs de conviction et de long-terme. Nous nous engageons auprès des entreprises à l`horizon de 3, 5 ou 10 ans selon une philosophie partenariale et constructive. Les critères extra-financiers ne peuvent être appréhendés que sur une échelle de temps long.
Comment se matérialise cet engagement ?
Stéphane Fraenkel : Nos actions sont variées. Nous incitons par exemple certaines sociétés à publier un rapport de soutenabilité ou des indicateurs extra-financiers jugés nécessaires. D`un point de vue pratique, il peut s`agir de données de consommation d`énergie par unité de production ou d`indicateurs de formation du personnel. Aussi, nous pouvons nous montrer très actifs en termes de politique de vote en Assemblée Générale. C`est le cas lorsque nous identifions des problématiques d`équilibre des pouvoirs au sein de la gouvernance, un enjeu parfois plus sensible chez les petites et moyennes entreprises dont le capital est familial.
` La politique de vote aux Assemblées Générales est un levier d`engagement actionnarial `
Marie-Pierre Peillon : Pour illustrer notre démarche, il y a le cas d`une société avec laquelle nous avons initié un dialogue actionnarial suivi dès 2014, qui s`est transformé en engagement sur la durée. Groupama AM a exprimé à plusieurs reprises des désaccords sur le plan de la politique de rémunération, de la structure du Conseil et l`équilibre des pouvoirs, enfin, de la stratégie RSE de l`entreprise. Cela s`est matérialisé par des votes contre les résolutions relatives à ces enjeux.
Ouverte au dialogue, l`entreprise a su entendre nos recommandations et a entrepris des mesures correctives. Nous avons constaté un rééquilibrage entre rémunération fixe et variable, l`introduction d`un mécanisme de ` clawback ` (clause de récupération), une limitation des indemnités de départ et de non-concurrence, l`abaissement du nombre d`actions de performance. La gouvernance a gagné en clarification vis-à-vis de l`extérieur avec le resserrement du board. Enfin, un comité RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) a été créé récemment, composé de quatre personnes indépendantes au sein du Conseil, deux ans après la nomination d`une responsable de la politique RSE. Aujourd`hui, cette société nous sollicite régulièrement avant et après les Assemblées Générales.
Quelle valeur apporte l`analyse extra-financière au gérant de portefeuille ?
Stéphane Fraenkel : Loin d`être une préoccupation qui concernerait uniquement les grandes capitalisations, l`intégration des critères ESG permet de s`assurer que les sociétés sont sur la bonne trajectoire de croissance durable. L`extra-financier est partie intégrante de ce qui fait l`activité économique de ces sociétés au quotidien.
Grà¢ce à notre approche transversale et nos équipes d`analystes expérimentés – avec une spécificité, puisque chaque analyste Å“uvre à la fois sur le volet financier et extra-financier – l`ESG permet une grille de lecture inédite, propre à Groupama AM : appréhender les trois grandes mutations qui touchent en profondeur les modèles des entreprises, entre transition énergétique et environnementale, transition numérique et, enfin, transition démographique. Nous investissons pour l`avenir. L`alignement des intérêts extra-financiers et financiers n`est pas une option pour les investisseurs de long-terme que nous sommes.
A propos de GROUPAMA ASSET MANAGEMENT, Investir pour l`avenir
Acteur de référence en France auprès des investisseurs institutionnels avec 112.9 Md€ d`actifs (au 30/06/2021), Groupama Asset Management figure aujourd`hui au 10ème rang des sociétés de gestion d`actifs franà§aises. Filiale du groupe Groupama, assureur mutualiste, elle permet à sa clientèle d`investisseurs professionnels de bénéficier de sa gestion activement responsable multi-expertises : un mode de gestion long terme, résolument active, s`appuyant sur une forte capacité de recherche.
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