L'exclusivité des marchés américains toujours pas démentie, commentaire des équipes Edmond de Rothschild Asset Management.
- Les Républicains, sous la direction de D. Trump, ont pris le contrôle de la Chambre des représentants aux États-Unis.
- L'Allemagne se prépare à des remous politiques avec un vote de confiance prévu en décembre.
- Les marchés ont poursuivi leur rotation en faveur des actifs américains exclusivement, illustrant une nouvelle fois la thématique de l'exceptionnalisme américain.
La victoire du Congrès américain a été remportée par D. Trump cette semaine, les Républicains s'emparant ainsi de la Chambre des représentants après avoir acquis plus aisément le Sénat. Cette victoire, bien que ténue pour la Chambre des représentants, a le mérite de la clarté pour cette nouvelle administration américaine, résolue à imprégner sa marque tant sur les volets économiques, fiscaux que sur le commerce extérieur et la souveraineté énergétique. Cette transition politique peut ainsi s'opérer dans le calme, laisser D. Trump préparer son équipe gouvernementale et choisir ceux qui occuperont les postes clés. Mais les premières nominations telles que Tom Homan à l'Immigration, Marco Rubio au Secrétariat d'État, ou encore Mike Waltz à la Sécurité nationale, donnent le ton et semblent d'ores et déjà envoyer le signal d'un gouvernement sûr de lui et prompt à appliquer un programme offensif.
Nuançons tout de même un point. Derrière l'éclat de ce triomphe, se dessine d'ores et déjà le profil de certains sénateurs républicains résolus à conserver un minimum d'indépendance voire de distance, notamment sur certaines mesures clés de D. Trump qui seraient susceptibles d'avoir des effets potentiellement inflationnistes liés à la hausse des droits de douane.
De l'autre côté de l'Atlantique, en Allemagne, le chancelier allemand soumettra en décembre un vote de confiance qui entraînera formellement la dissolution du Bundestag. Face à cette instabilité politique, Friedrich Merz (CDU) émerge des rangs, en se montrant assez pragmatique sur les besoins de son économie en matière d'investissement. En d'autres termes, il semble plus ouvert à un possible assouplissement fiscal destiné à un plan d'investissement dans les infrastructures mais au prix vraisemblablement de coupes dans les dépenses publiques. Ces remous politiques se produisent dans un climat social de plus en plus tendu avec des négociations syndicales en Allemagne qui s'annoncent difficiles, surtout avec Verdi, syndicat du secteur public, lequel réclame une augmentation salariale agressive de 8 % pour les travailleurs de ce secteur, en net contraste avec l'accord plus modéré d'IG Metall. Ainsi, une élection anticipée est-elle prévue pour février 2025, alimentant les spéculations sur une nouvelle orientation budgétaire. Toutefois, tout assouplissement fiscal effectif pourrait être long à réaliser, avec peu de changements attendus avant la fin de la première moitié de 2025.
Pendant le temps qui nous sépare de l'investiture de D. Trump en janvier prochain, les marchés n'ont, sans nul doute, pas choisi le même mode de transition, puisque ceux-ci ont poursuivi leur rotation en faveur des actifs américains exclusivement, illustrant une nouvelle fois cette thématique de l'exceptionnalisme américain.
Pour attester de la bonne santé de cette économie, le rapport d'octobre du Senior Loan Officer Opinion Survey de la FED sur les pratiques de prêt bancaire a révélé que les normes de prêt pour les entreprises et les ménages restent en amélioration depuis le point bas d'octobre 2023. Notons aussi une amélioration sur les questions liées au marché des cartes de crédit, qui révèlent un secteur bancaire plus enclin à approuver les demandes pour les emprunteurs « prime » et « super-prime », et prévoient une demande croissante au cours des six prochains mois en raison des attentes d'une augmentation des dépenses des emprunteurs.
Plus globalement, les conditions financières demeurent bien orientées depuis un an, si l'on en juge par l'assouplissement des normes de prêt, le resserrement des marges de crédit sur les obligations à haut rendement, le rendement réel des actions et le taux de change, et suggèrent des effets encore positifs sur l'économie réelle, au moins pour les trois à six prochains mois.
Dans ce contexte de hausse généralisée du dollar et de perspectives négatives sur les exportations mondiales, nous restons bien investis sur les marchés actions, en demeurant surpondérés sur les actions américaines de manière très tactique, et en maintenant notre vue positive sur les actions chinoises. Nous préservons par ailleurs notre vue positive sur le portage, notamment sur les marchés crédit Investment Grade sur les maturités plus courtes.
Actions européennes
Les actions européennes ont clôturé une semaine mitigée, les thématiques qui continuent de préoccuper les marchés sont maintenant bien connues : d'une part l'effet de l'élection de D. Trump, la faiblesse de la demande de la Chine et les commentaires de sociétés disparates concernant le T3. Sur ce dernier point, plus de la moitié des sociétés du Stoxx600 ont publié leurs résultats, et seuls quelques secteurs ont surpris positivement en moyenne, tandis que les commentaires dans l'automobile et la chimie ont été globalement négatifs.
Dans le secteur de la chimie, l'Allemand Brenntag a publié cette semaine des résultats inférieurs aux attentes sur fond de hausse de coûts, tandis que Bayer a évoqué une demande faible et a abaissé ses objectifs annuels.
Dans le secteur des semi-conducteurs, après des résultats décevants au troisième trimestre, des signaux plus positifs ont été envoyés en ce mois de novembre : ASML, le leader mondial des équipements pour semi-conducteurs, s'est montré confiant lors de son capital markets day, mettant en avant les opportunités offertes par l'intelligence artificielle, et prévoit une croissance de 8 à 14 % de ses ventes sur les cinq prochaines années. De même, l'entreprise allemande Infineon, bien que confrontée à des segments en difficulté tels que l'automobile et l'industrie, anticipe une amélioration de la demande d'ici fin 2025, ce qui a soutenu la surperformance des valeurs technologiques européennes cette semaine.
Enfin, après son introduction en bourse, l'éditeur de recherche académique Springer Nature a délivré une solide performance en bourse. Les analystes ont d'ailleurs publié des recommandations d'achat cette semaine, un signal encourageant pour le marché secondaire européen.
Actions américaines
Cette semaine, le S&P 500 a clôturé en légère baisse de 0,9 %, suivi par le Nasdaq 100 qui a reculé de 1,0 %, tandis que le Russell a chuté de 4,0 % après une forte hausse la semaine précédente. Les commentaires de Jerome Powell ont marqué l'agenda économique américain, réitérant la résilience de l'économie tout en affichant de la prudence concernant un éventuel abaissement des taux.
En parallèle, l'annonce de D. Trump de vouloir créer un Department of Government Efficiency a entraîné une réaction notable des marchés, provoquant une chute des actions liées à la défense telles que Booz Allen (-15,7 %), Lockheed Martin (-5,54 %) et Northrop Grumman (-6,25 %) en prévision de possibles coupes budgétaires.
Dans le secteur du divertissement, Disney a progressé de 8,2 % grâce à de bons résultats pour son quatrième trimestre fiscal. La société a également annoncé une accélération de la croissance pour 2025, qui sera portée par un rebond des parcs à thèmes et une amélioration des marges du streaming. Netflix a également progressé de 3,95 % après avoir annoncé que son service d'AdvertisingVOD avait franchi le cap des 70 millions d'utilisateurs, marquant une augmentation de 75 % depuis mai dernier.
Dans le domaine de la santé, la nomination de Robert Kennedy Junior en tant que secrétaire de la santé, bien que toujours en attente de confirmation du Sénat, a pesé sur le marché, en raison de ses positions controversées sur la dangerosité des vaccins et sa volonté de plafonner les prix des médicaments coûteux, entraînant une baisse des valorisations des grandes entreprises pharmaceutiques telles que Lilly (-5,6 %), J&J (-2,0 %) et Pfizer (-0,8 %).
Dans le secteur technologique, AMD a chuté de 5,8 % après avoir annoncé le licenciement de 4 % de ses effectifs afin « d'aligner ses ressources avec ses plus grandes opportunités de croissance », sous-entendant l'IA, en vue de mieux concurrencer NVIDIA, laquelle a gagné 1,0 %, et annoncera ses résultats du troisième trimestre le 20 novembre. Les résultats de Cisco (-1,2%) ont légèrement dépassé les attentes, grâce à une forte demande liée à l'IA et à l'intégration réussie de Splunk, acquise en mars 2024 pour renforcer sa division de cybersécurité.
Enfin, les indicateurs macroéconomiques sont positifs, avec l'indice de confiance du consommateur américain atteignant son niveau le plus élevé depuis avril, suggérant une consommation solide des ménages, et une baisse continue de la volatilité comme en témoigne le VIX qui atteint son niveau le plus bas depuis juillet dernier.
Marchés émergents
L'indice MSCI EM a cédé 4,5% cette semaine (à la clôture des marchés jeudi). Ce sont les grands marchés asiatiques qui ont le plus souffert, avec des replis respectifs de 7,1%, 5,8% et 5,3% pour la Corée, la Chine et Taïwan. L'Inde a également perdu 2,8%. Le Brésil a surperformé les autres régions et a terminé la période sur une note stable.
En Chine, l'IPC d'octobre est ressorti à +0,3% en glissement annuel, un niveau inférieur à la prévision (0,4%), et l'IPP à -2,9%, une baisse plus marquée que prévu (-2,5%). La production industrielle a augmenté de 5,3% en glissement annuel, tandis que la progression des ventes de détail (4,8%) supérieure aux attentes (+3,8%) n'a pas été aussi soutenue depuis huit mois. Le gouvernement a ajouté deux jours fériés au calendrier, ce qui portera le total à 13 à partir de 2025. La Chine prévoit de réduire la taxe sur les achats de logements de 3% actuellement à 1%. Selon le ministère des Transports, le volume des colis a augmenté de 29% pendant la période de promotion des achats en ligne (« Double 11 »). Tencent a publié des résultats solides pour le troisième trimestre 2024, avec des revenus publicitaires et une marge supérieurs aux attentes. JD.com a également annoncé de bons résultats pour le troisième trimestre grâce à une politique favorable en matière de reprise des appareils, l'entreprise bénéficiant d'une part de marché élevée dans les domaines des appareils ménagers et des produits électroniques grand public. Grâce à la vigueur de ses activités dans le domaine des jeux mobiles et de la publicité, BiliBili a enregistré des résultats solides au troisième trimestre et a atteint le seuil de rentabilité sur un trimestre pour la première fois. NetEase a enregistré un trimestre en ligne avec les attentes, avec une visibilité accrue sur son pipeline.
À Taïwan, le bénéfice de Hon Hai a dépassé la prévision du consensus au troisième trimestre. L'entreprise prévoit une augmentation des solutions de programmation déclarative (Answer set programming - ASP) destinées au secteur de l'IA l'année prochaine, mais une trajectoire baissière pour sa marge brute.
En Corée, Samsung Electronic a annoncé le rachat d'environ 7 milliards de dollars d'actions l'année prochaine.
En Inde, l'IPC d'octobre (6,29%) a été plus élevé que prévu (5,9%), en raison d'une hausse de 10,9% des prix des denrées alimentaires. La production industrielle de septembre a augmenté de 3,1% en glissement annuel, soit plus que les prévisions (2,5%). Les marges annoncées par Eicher Motor lors de sa publication de résultats trimestriels ont été inférieures aux attentes, en raison de dépenses marketing plus élevées.
En Indonésie, les résultats du troisième trimestre de Grab ont été largement supérieurs aux prévisions, avec une amélioration de la rentabilité grâce à l'impact des investissements antérieurs dans sa gamme de produits. Sea Ltd a annoncé des chiffres solides pour le troisième trimestre, supérieurs aux attentes du marché, grâce à son activité liée aux jeux et aux moindres pressions exercées par le commerce électronique.
Au Brésil, Hapvida a annoncé des résultats en demi-teinte marqués par une provision au titre de ses poursuites judiciaires. NuBank a annoncé une croissance de son chiffre d'affaires plus faible que prévu au troisième trimestre.
En Argentine, l'inflation est retombée à 2,7% en octobre, en dessous du consensus (3,0%), le niveau le plus bas depuis trois ans, grâce à un rééquilibrage budgétaire.
Dettes d'entreprises : Crédit
La semaine a été positive pour les marchés de crédit, avec une progression de 0,4 % pour l'Investment Grade et de 0,2 % pour le High Yield, soutenue par une légère baisse des taux malgré une faible hausse des primes de risque. L'indice Crossover a clôturé la semaine autour de 300 points de base dans un contexte de volatilité toujours faible, tandis que la saison des résultats des émetteurs High Yield s'achève, laissant le marché primaire relativement calme. Toutefois, dans le marché Investment Grade Corporates Hybrides, TotalEnergies a levé 2,5 milliards d'euros grâce à une émission hybride jumbo en deux tranches.
Du côté des financières, la reprise des émissions primaires est marquée par quatre opérations CoCo en Europe et une émission verte senior par la National Bank of Greece. La performance des CoCo en euros reste solide, la classe d'actifs ayant progressé de +0,34 %, portant le rendement total du segment à +12,8 % en 2024.
Le M&A reste un thème important, avec l'extension du processus d'approbation du projet BBVA/Sabadell en Espagne pour analyser plus en profondeur les implications concurrentielles. Les rumeurs d'acquisitions défensives par Commerzbank pour se prémunir contre une montée en capital d'UniCredit, et l'investissement de Banco BPM dans Monte dei Paschi, témoignant d'une volonté claire de déploiement de capital.
GLOSSAIRE
Les titres « Investment Grade » désignent des titres obligataires émis par des entreprises dont le risque de défaut de paiement varie de très faible (remboursement presque certain) à modéré. Ils correspondent à une échelle de notation allant de AAA à BBB- (notation Standard&Poor's).
Les titres « High Yield » sont des obligations d'entreprises présentant un risque de défaut supérieur aux obligations Investment Grade (ou catégorie investissement) et offrant en contrepartie un coupon plus élevé.
La dette senior bénéficie de garanties spécifiques. Son remboursement se fait prioritairement par rapport aux autres dettes, dites dettes subordonnées.
La dette est dite subordonnée lorsque son remboursement dépend du remboursement initial des autres créanciers.
Tier 2 / Tier 3 : segment de la dette subordonnée.
La duration correspond à la durée de vie moyenne d'une obligation actualisée de tous les flux (intérêt et capital).
Le spread désigne l'écart entre le taux de rentabilité actuariel d'une obligation et celui d'un emprunt sans risque de même maturité.
Les valeurs dites «Value » sont considérées comme sous-évaluées.
EBITDA est l'acronyme de Earnings before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization (en français : résultat d'exploitation avant intérêts, impôts et amortissement). Il mesure donc la création de richesse avant toute charge calculée. Il trouve son équivalent français en l'EBE (Excédent brut d'exploitation).
Le terme "Quantitative Easing" désigne un type de politique monétaire dit non conventionnel auquel peuvent avoir recours les banques centrales dans des circonstances économiques exceptionnelles.
Un « stress test » est une techniques destinée à évaluer la résistance d'institutions financières.
L'indice PMI, pour "Purchasing Manager's Index" (indice des directeurs des achats), est un indicateur permettant de connaître l'état économique d'un secteur.
Coco (contingent convertible bonds) : format de dette subordonnée.
Mortgage : une hypothèque est un instrument financier de garantie d'une dette.
Les AT1 font partie d'une famille de titres de capital bancaire connus sous le nom de convertibles contingents ou «Cocos». Convertibles parce qu'elles peuvent être converties d'obligations en actions (ou dépréciées entièrement) et contingentes parce que cette conversion ne se produit que si certaines conditions sont remplies, comme la solidité du capital de la banque émettrice tombant en dessous d'un seuil de déclenchement prédéterminé.
À PROPOS DU GROUPE EDMOND DE ROTHSCHILD
Maison d'investissement de convictions fondée sur l'idée que la richesse doit servir à construire demain, Edmond de Rothschild est spécialisé dans la Banque Privée et la Gestion d'actifs. Au service d'une clientèle internationale de familles, d'entrepreneurs et d'investisseurs institutionnels, le Groupe est également présent dans les métiers de Corporate Finance, de Private Equity, de l'Immobilier et de Fund Services.
Son caractère résolument familial confère à Edmond de Rothschild l'indépendance nécessaire pour proposer des stratégies audacieuses et des investissements de long terme, ancrés dans l'économie réelle.
Créé en 1953, le Groupe comptait plus de 163 milliards de francs suisses d'actifs sous gestion au 31 décembre 2023, 2 600 collaborateurs et 28 implantations dans le monde.
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