Le retour en force des fonds monétaires euro : Eric BERTRAND, Directeur Général Délégué, Directeur des gestions - Yannick Lopez, Directeur de la Gestion Taux et Solutions de Trésorerie, nous parle des perspectives et des opportunités sur les marchés monétaires et le crédit court terme euro dans le sillage du mouvement de hausse des taux de la Banque Centrale Européenne.
La classe d'actifs monétaire en zone Euro a connu une période difficile entre 2016 et 2022. Pour quelles raisons ?
Nous sortons effectivement de six années très compliquées, sous le double effet d'une forte baisse des taux directeurs des Banques Centrales et, plus récemment, d'une importante hausse de l'inflation. Dans ces conditions, il en a résulté un réel coût au « coffre-fort », c'est- à-dire un rendement réel et même absolu négatif du placement sur le monétaire.
Cette tendance s'est inversée à partir du début de l'été 2022 dans le sillage du mouvement de relèvement des taux de la Banque Centrale Européenne (BCE) à partir du mois de juillet. Ceci a mis fin à la situation de taux directeurs négatifs, qui n'avait jamais été observée auparavant. Depuis 1 an, donc, les fonds monétaires euro ont retrouvé une forme de normalité avec des rendements positifs.
Avec la hausse spectaculaire des taux directeurs ces derniers mois, l'investissement en fonds monétaire a retrouvé, selon nous, un réel intérêt qui allie un rendement attractif tout en conservant un niveau de liquidité très élevé avec un risque réduit cohérent avec un horizon d'investissement court.
Comment cela se traduit-il sur les performances des fonds monétaires ?
L'année 2023 s'annonce positive pour la performance des fonds monétaires euro. Le rendement de nos fonds monétaires, investis en grande majorité dans des titres de créances négociables (TCN) court terme, souvent de 1 mois à 1 an, émis par des entreprises et des banques, se situe entre 5 et 20 points de base au-dessus du niveau de l'€str, taux au jour le jour calculé par la Banque Centrale Européenne, qui s'affichait autour de 3,65 % début septembre (le taux €str intégrera la hausse de +0,25 % de la BCE du 14 septembre à partir du 20 septembre). Cela rend, selon nous, la classe d'actifs monétaire particulièrement attractive compte tenu du niveau de risque associé.
Peut-on être sûrs d'en avoir terminé avec l'anormalité des rendement négatifs ?
Très probablement. Bien sûr, il faut toujours rester prudent car 10 ans en arrière, il était invraisemblable d'imaginer des taux négatifs et inimaginable que l'Allemagne puisse un jour voir le rendement de sa dette à 10 ans tomber à -0,90%, ce qui s'est pourtant produit en 2020.
Toutefois, il nous semble très peu probable que cette situation se reproduise dans les prochaines années. Nous sommes en effet sortis d'une décennie d'inflation quasiment nulle, qui était le fruit de la mondialisation et de la délocalisation des unités de production, notamment en Asie. Cette situation a changé avec les deux ondes de choc qu'ont constitué le Covid et la guerre en Ukraine. Ces crises ont révélé à la fois notre dépendance aux chaînes d'approvisionnement logistiques mondiales et à certaines matières premières sensibles, notamment alimentaires, dont l'Ukraine était un important producteur. Ces deux ondes de choc ont conduit les pays occidentaux à revoir leurs chaines d'approvisionnement et à entamer des politiques de relocalisation de leur production, entraînant une augmentation structurelle des prix.
Nous pensons que l'inflation, une fois son pic actuel dépassé, restera durablement élevée, et possiblement au-dessus de la cible de la BCE, ce qui devrait empêcher les Banques Centrales de revenir rapidement à une politique monétaire accommodante.
N'y a-t-il pas un risque de baisse des taux de la BCE qui affecterait la performance des fonds monétaires ?
Ce n'est pas à exclure et c'est même notre scénario central à moyen terme. Nous sommes très probablement au pic ou extrêmement proche du pic des resserrements de politique monétaire. La visibilité reste toutefois restreinte et appelle à la prudence sur les prévisions. Début 2023, les économistes étaient unanimes pour dire que l'économie américaine plongerait en récession en milieu d'année ce qui entraînerait une forte décrue de l'inflation. C'est finalement tout l'inverse qui s'est produit jusqu'à présent avec une économie qui se montre particulièrement résiliente, et une inflation qui se maintient à des niveaux encore élevés, quoiqu'enfin en recul.
En Europe, au contraire, la dynamique économique reste très molle, ce qui plaide pour une fin des hausses des taux de la BCE. Malgré tout, celle-ci doit faire face à une inflation toujours très élevée, en partie parce qu'elle est tirée par les services et les salaires.
Dans ce contexte de visibilité réduite, le monétaire nous semble une classe d'actif à privilégier. Ainsi, même si les Banques Centrales finissent par baisser leurs taux d'ici plusieurs trimestres, investir sur du monétaire au moment où l'on atteint le pic nous parait cohérent car cela permet d'obtenir sur la durée de placement un rendement relativement élevé.
Aujourd'hui, nous sommes dans une situation d'inversion de la courbe des taux : le rendement du 10 ans allemand s'établit autour de 2,65 % mi-septembre alors que le taux monétaire s'affiche à 3,65 %(1). Cela signifie que les marchés financiers anticipent une baisse des taux directeurs de la BCE l'année prochaine. Si celle-ci ne devait finalement pas se produire les taux longs remonteraient, au détriment des actifs présentant une duration(2) élevée. Dans ce contexte, l'actif monétaire offre une forme de protection puisqu'il n'est pas affecté par ce type de mouvement.
Qu'en-est-il du marché du crédit court terme ?
La classe d'actif crédit « Investment Grade(3) » euro, c'est-à-dire les obligations d'entreprises les moins risquées, affiche un rendement de l'ordre de 4,35 %(4), relativement proche de celle du monétaire. Mais elle présente une sensibilité plus forte aux mouvements de taux d'intérêt, ce qui n'est pas favorable dans un contexte de hausse des taux. Il peut toutefois être judicieux de se positionner sur le crédit « Investment Grade » si nous anticipons une prochaine baisse des taux des Banques Centrales, sur fond de ralentissement économique et de normalisation de l'inflation. La forme de la courbe des taux et des spreads(5) incite selon nous à privilégier le crédit court de maturité 1 à 3 ans.
Dans un scénario de baisse des taux de la BCE, les fonds monétaires verraient leurs rendements progressivement reculer tandis que les fonds investis sur le crédit « Investment Grade » conserveraient plus longtemps, à niveau de spread constant, les bénéfices des investissements sur des émissions à rendement élevés compte tenu de leur duration plus élevée.
Investir dans le crédit « Investment Grade » à court terme nous semble donc une opportunité intéressante dans un cadre de risque modéré, notamment du fait de sa sensibilité aux taux trois fois moins importante que l'« Investment Grade » « toutes maturités » afin de conserver du rendement sur un horizon d'investissement un peu plus long que celui offert par le monétaire.
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Les chiffres des performances citées ont trait aux années écoulées. Les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des performances futures.
Ces placements permettent de profiter du potentiel de performance des marchés financiers en contrepartie d'une certaine prise de risque. Le capital investi et les performances ne sont pas garantis et il existe un risque de perte en capital. Source des indices cités : bloomberg.com
Source :
(1) Le taux €str intégrera la hausse de +0,25 % de la BCE du 14 septembre à partir du 20 septembre.
(2) Duration : durée de vie moyenne pondérée d'une obligation ou d'un portefeuille d'obligations exprimée en années.
(3) Crédit « Investment Grade » : les obligations « Investment Grade » (IG) qualifient des obligations émises par les emprunteurs les mieux notés par les agences de notation. Selon le classement de Standard & Poor's ou Fitch, leurs notes vont de AAA à BBB-.
(4) Source : ICE BofA Euro Corporate Index au 12/09/2023
(5) Le « spread » de crédit est la différence de taux d'intérêt d'une obligation d'entreprise avec celui d'une obligation de référence de même durée, considérée comme la moins risquée (l'emprunt d'État de référence).
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