
C'est une décision qui pourrait faire date dans l'histoire des finances publiques américaines. Le 6 mai 2025, le New Hampshire est devenu le premier État des États-Unis à adopter une loi autorisant l'investissement d'une partie de ses fonds publics dans le bitcoin et les métaux précieux. Ce virage stratégique, incarné par le projet de loi HB 302, signé par la gouverneure Kelly Ayotte, marque un tournant majeur dans l'approche des États face à la gestion de leurs réserves. À peine la nouvelle promulguée, le marché a réagi avec enthousiasme : le bitcoin a grimpé de 94 000 à 97 000 dollars, alimenté par l'espoir d'une adoption élargie du modèle par d'autres États. Cette initiative audacieuse soulève une double interrogation : s'agit-il d'une simple expérimentation locale ou du prélude à une redéfinition des pratiques de gestion publique à l'ère numérique ?
Un précédent législatif historique
Le projet de loi HB 302, présenté en janvier 2025, a été officiellement promulgué par la gouverneure Kelly Ayotte le 6 mai, faisant du New Hampshire un pionnier national. Cette législation autorise le trésorier de l'État à investir jusqu'à 5 % des fonds publics dans des actifs considérés comme des réserves de valeur : métaux précieux comme l'or et l'argent, et actifs numériques dont la capitalisation dépasse 500 milliards de dollars — une condition que seul le bitcoin remplit à ce jour.
L'inspiration de cette loi provient des travaux du think tank Satoshi Action, qui a développé une feuille de route pour intégrer les cryptomonnaies dans la sphère publique sans compromettre la sécurité financière des contribuables. L'idée centrale : permettre une diversification prudente des réserves tout en se prémunissant contre l'inflation monétaire.
Un cadre strict et sécurisé
Loin d'une politique spéculative, le texte encadre fermement les modalités d'investissement. Les fonds éligibles incluent le General Fund (environ 2,1 milliards USD) et le Rainy Day Fund (306 millions USD), soit un potentiel maximal d'environ 120 millions de dollars à investir dans le bitcoin et les métaux précieux.
L'investissement est soumis à plusieurs conditions de sécurité :
- Conservation dans des institutions de garde régulées aux États-Unis ;
- Utilisation de portefeuilles multisignatures contrôlés par l'État ;
- Possibilité de recours à des produits négociés en bourse (ETP) approuvés par les autorités.
Le représentant Keith Ammon, parrain du projet, évoque déjà une mise en œuvre progressive, probablement via un ETF Bitcoin géré par un acteur établi comme Fidelity. L'objectif est clair : limiter les risques opérationnels tout en expérimentant une nouvelle approche de la gestion d'actifs publics.
Une réponse à l'érosion du dollar
Derrière cette initiative se profile une critique implicite de la politique monétaire fédérale. Comme l'a souligné Keith Ammon, « si le gouvernement fédéral gérait mieux le dollar, nous n'aurions pas besoin de nous préoccuper de ces choses. » L'inflation persistante pousse certains États à chercher des alternatives pour préserver le pouvoir d'achat des fonds publics.
En permettant un accès à une réserve d'actifs déconnectés de la monnaie fiduciaire, comme l'or ou le bitcoin, le New Hampshire adopte une logique défensive : réduire l'exposition exclusive au dollar et intégrer des instruments dont la rareté et la résilience à long terme sont reconnues.
Une impulsion pour les autres États ?
Si le New Hampshire est aujourd'hui le seul État à avoir concrétisé ce type de projet, il n'est pas seul à y réfléchir. D'autres États américains ont déjà tenté d'introduire des législations similaires, bien que parfois rejetées comme en Arizona, où la gouverneure Katie Hobbs a récemment opposé son veto à un projet de loi analogue.
L'avenir dira si l'initiative du New Hampshire fera tache d'huile. Mais le contexte s'y prête : en mars 2025, l'ex-président Donald Trump a publié un décret en faveur de la création d'une réserve stratégique nationale de bitcoins. À cela s'ajoute l'intérêt croissant des investisseurs institutionnels pour les cryptomonnaies, en particulier à travers les ETF.
Avec une telle dynamique, le modèle prudent adopté par le New Hampshire pourrait devenir un standard, combinant rigueur budgétaire, ouverture technologique et réponse à la volatilité du dollar.
0 Commentaire