Sur le premier trimestre, l'assurance-vie en France affiche une belle progression puisque l'encours total a augmenté de 7,8 milliards d'euros, pour atteindre le chiffre de 1.588,6 milliards d'euros. Cet afflux provient surtout du Livret A, qui offre une piètre rémunération de 0,75% tandis que, sur 2015, l'assurance-vie a affiché un rendement moyen de 2,3%, nettement au-dessus de l'inflation. Alors voici le nouvel eldorado, le placement idéal pour les années qui viennent ?
Pas si vite. D'où vient cet attrayant rendement de 2,3% ? D'un passé désormais révolu. Les sociétés d'assurance détiennent en permanence un stock de bons du Trésor, et ceux émis il y a plusieurs années offraient des taux d'intérêts significatifs. Mais au fur et à mesure qu'il faut renouveler ce stock afin de remplacer les bons venant à échéance, que voient les assureurs ? Des obligations souveraines, en France ou ailleurs en Europe, qui offrent des taux nuls, négatifs ou très faiblement positifs. La France emprunte jusqu'à 7 ans à des taux négatifs, et acquérir une obligation émise sur 15 ans ne rapportera que 1% l'an, soit tout juste de quoi payer les salaires et les frais de structure de l'assureur, et de verser un euro symbolique aux souscripteurs.
Voici le résultat de la politique d'argent facile de la banque centrale européenne, qui a mis son taux directeur à zéro et qui fait tourner la planche à billets à hauteur de 80 milliards d'euros par mois, pour racheter des obligations souveraines. Cet afflux de liquidités écrase la courbe des taux sur toutes les échéances. La BCE souhaite ainsi relancer l'activité économique par un crédit bon marché, sans comprendre que ce sont d'abord les débouchés qui incitent une entreprise à investir. Au Japon, aux États-Unis, en Europe, les banques centrales persistent dans la même erreur, mais remonter les taux ferait éclater la bulle obligataire et provoquerait une crise pire que celle de 2008. Le demi-tour est impossible, les taux zéro et négatifs sont là pour longtemps?
En Allemagne l'écrasement de la courbe des taux a précédé celui de la France et les détenteurs d'assurance-vie doivent se contenter de moins de 2% de rendement annuel, en baisse constante, ce qui provoque la grogne des retraités. Ailleurs, suivant la même logique, les systèmes de retraites par capitalisation sont touchés de plein fouet par cette maladie des taux anémiques. Aux États-Unis, depuis une législation ratifiée par le Congrès en 2014, les caisses de retraite sont autorisées à baisser le montant de leurs versements si leur solvabilité est mise en danger. Plusieurs ont commencé à le faire, entraînant de sérieuses déconvenues pour les retraités qui comptaient sur le niveau de revenu initialement prévu dans leur contrat. Berlin a fait passer une loi comparable pour l'assurance-vie. Ce sera sans doute bientôt le cas en France?
L'assurance-vie, et plus généralement les placements en obligations d'Etat, deviennent un gigantesque piège en train se renfermer sur ceux qui pensaient garantir ainsi leur retraite. Au-delà d'un rendement qui tend vers zéro, c'est la survie même des caisses de retraites et des assureurs qui se posera quand les souscripteurs quitteront en masse un placement devenu totalement inefficient. Cependant, après avoir permis une baisse unilatérale de leurs versements, il ne serait pas étonnant que les Etats limitent drastiquement les sorties en capital, quand bien même les taux servis seraient négatifs, de façon à empêcher la faillite des assureurs. Le piège serait alors complètement refermé.
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