Flash marchés / Une semaine marquée par la flambée des taux souverains
Le discours très offensif de M. Trump sur la politique internationale a suscité des craintes parmi les investisseurs, amplifiant ainsi la correction des actions américaines et la montée des taux.
Le marché du travail américain continue de montrer des signes de vigueur, avec une hausse des offres d'emploi et une baisse des inscriptions au chômage.
Le marché britannique a enregistré la plus forte hausse des taux cette semaine, atteignant son plus haut niveau depuis 2008 sur le taux à 10 ans.
La semaine a commencé avec des nouvelles des États-Unis qui ont été perçues de manière positive par les marchés financiers. La réélection de Mike Johnson à la présidence de la chambre des représentants s'est révélée plus complexe que prévu, en raison de la faible majorité républicaine. Pour obtenir son élection, il a dû s'engager sur la maîtrise du déficit budgétaire, une démarche favorable pour les investisseurs inquiets de l'aggravation des déficits. Par la suite, un article du Washington Post a rapporté les réflexions de certains membres de l'équipe de M. Trump sur l'instauration de taxes douanières uniquement sur des secteurs stratégiques mais aussi uniformément appliquées à tous les pays. Bien que M. Trump ait démenti cette information, l'impact s'est traduit par une hausse des actions européennes, qui avaient souffert en 2024 des inquiétudes concernant des augmentations généralisées des droits de douane.
En revanche, le discours très offensif de M. Trump sur la politique internationale a suscité des craintes parmi les investisseurs, amplifiant ainsi la correction des actions américaines et la montée des taux, déjà amorcée cette semaine par des statistiques montrant la résilience de l'économie américaine. En effet, l'indicateur avancé des services ISM a enregistré une hausse, dépassant les attentes à 54,1. Les composantes « nouvelles commandes » et « prix payés » ont également progressé, cette dernière atteignant son plus haut niveau depuis début 2023, ce qui alimente les inquiétudes concernant l'inflation. La solidité du marché de l'emploi, confirmée par l'augmentation du nombre d'offres d'emploi en novembre et la baisse des inscriptions hebdomadaires au chômage, a également contribué à la forte hausse des taux cette semaine. Le taux américain à 10 ans a ainsi retrouvé des sommets atteints en avril 2024 à 4,7%. La publication des minutes de la Fed a confirmé les propos plus restrictifs de certains de ses membres. Les actions américaines étant plus chèrement valorisées, elles ont souffert de cette hausse des taux.
La zone euro a également été affectée, avec une forte hausse du taux à 10 ans allemand, qui s'approche de 2,6%. Les données d'inflation pour décembre en zone euro sont en ligne avec les attentes : l'inflation sous-jacente reste stable à 2,7% sur un an tandis que l'inflation totale progresse à 2,4%, soutenue par la hausse des prix de l'énergie. Toutefois, les situations nationales diffèrent, avec une inflation supérieure aux prévisions en Allemagne et en Espagne, mais plus faible en France et en Italie.
Le marché britannique a enregistré la plus forte hausse des taux cette semaine, atteignant son plus haut niveau depuis 2008 sur le taux à 10 ans (4,90% durant la séance). Si le catalyseur de cette hausse semble être un montant d'émissions important, le mouvement est surtout exacerbé par des préoccupations concernant les perspectives budgétaires du Royaume-Uni.
Les hausses des taux, en particulier celles des taux réels américains qui ont dépassé les niveaux d'avril 2024, et l'approche de l'investiture de D. Trump rendent les marchés actions plus volatiles et plus fragiles. En conséquence, nous avons réduit nos positions sur les actions américaines et adopté un positionnement neutre sur les actifs risqués et sur les différentes zones géographiques. Sur nos investissements obligataires, nous privilégions la recherche de rendement et préférons les obligations d'entreprises.
Actions européennes
Cette semaine a été relativement calme sur le plan des données économiques en Europe, avec néanmoins quelques indicateurs notables. L'inflation européenne s'est établie à 2,4 %, conformément aux prévisions, tandis que le PMI composite français de décembre a été révisé à la hausse. Cette semaine, le secteur technologique a dominé les marchés, soutenu par les récentes annonces de Microsoft et Foxconn. Ces développements ont bénéficié non seulement aux entreprises américaines du secteur des semi-conducteurs, mais aussi aux sociétés européennes comme ASML, STMicroelectronics et Soitec. Le marché européen a clôturé la semaine en territoire positif, principalement grâce à la performance du secteur technologique. En revanche, l'immobilier et les services publics, secteurs sensibles aux taux, ont reculé en raison de la hausse des taux souverains allemands et français.
Dans le secteur européen de la défense, les déclarations de Donald Trump ont eu un impact significatif. Il a exprimé son souhait d'augmenter les budgets de défense des pays de l'OTAN à 5 % de leur PIB, tout en évoquant son intention d'annexer le Groenland, n'excluant pas l'usage de la force. Parmi les entreprises de ce secteur, Exosens a annoncé une révision à la hausse de ses prévisions pour 2025, ce qui a été bien reçu par les investisseurs. Le titre a rebondi de plus de 10 %, revenant ainsi à son niveau d'introduction en bourse d'il y a six mois, grâce à des perspectives de croissance pour 2025 situées entre 15 % et 20 %, bien supérieures aux estimations des analystes.
Quant à Gaztransport et Technigaz, la société française a annoncé une révision stratégique de sa filiale Elogen, spécialisée dans l'hydrogène et acquise en 2020. Cette activité, déficitaire et nécessitant des investissements, notamment pour la construction d'une gigafactory à Vendôme prévue pour la fin de l'année, est actuellement réévaluée. Les résultats de cette revue sont attendus dans les semaines à venir, avec la possibilité d'une cession de l'activité.
Dans le domaine de la restauration, Sodexo et Pluxee, un spinoff de Sodexo, ont publié leurs résultats trimestriels. Sodexo a déçu les investisseurs avec une croissance de 4,6 % ralenti principalement par l'Europe et qui était en-dessous des attentes, ce qui a entraîné une baisse de près de 7 % du titre. En revanche, Pluxee a enregistré une croissance trimestrielle de plus de 12 %, dépassant les attentes grâce à une performance soutenue en Amérique latine. Le titre de Pluxee a bondi de 15 % à l'annonce des résultats avant de se stabiliser.
Actions américaines
Les marchés ont terminé la deuxième semaine de 2025 en baisse. A noter que les marchés actions étaient fermés ce jeudi en raison d'un jour de deuil national pour le décès de Jimmy Carter en décembre dernier. Le Nasdaq 100 a chuté de 1,8 %, suivi par le Russell 2000 avec une baisse de 1,2 % et le S&P 500 avec un recul de 1,0 %. Cette semaine a débuté avec des mouvements illustrant la nervosité des marchés, en attente de l'ouverture du CES.
Le CES 2025 a été un événement clé, où le PDG de NVIDIA, Jensen Huang, a exprimé de manière répétée une perspective optimiste pour l'année à venir. Toutefois, l'absence de focus sur les data-centers pourrait expliquer la baisse de 6,2 % enregistrée par NVIDIA, représentant une perte de capitalisation d'environ 200 milliards de dollars, malgré l'annonce par Microsoft d'investissements de 80 milliards de dollars pour 2025. Par ailleurs, le gouvernement Biden a évoqué jeudi de possibles nouvelles mesures restrictives sur l'exportation de puces électroniques à court terme, une mesure que le PDG de NVIDIA a désapprouvée. Jensen Huang a également suscité d'importantes pertes de valorisation pour les entreprises de Quantum Computing en affirmant que l'utilisation véritable de ces technologies ne serait pas possible avant plus de 20 ans. D-Wave et Rigetti Computing ont ainsi vu leur capitalisation chuter de plus de 35 %.
Le développement des véhicules autonomes a également suscité de l'intérêt lors du CES, avec Nvidia renforçant ses partenariats et Qualcomm (-0,48 %) soulignant la progression de l'intérêt pour ses puces liées au système ADAS. En conséquence, Aurora Innovation a enregistré une hausse de 23,92 %, tandis que Tesla a vu ses actions reculer de 3,92 % en raison d'une concurrence accrue. Globalement, le secteur automobile (+0,0 %) a subi de légères corrections après des annonces positives sur les ventes vendredi dernier, qui ont largement profité aux constructeurs en début de semaine.
En revenant à la nervosité initialement mentionnée, Moderna a clôturé la semaine avec une hausse de 1,41 %, après avoir enregistré une augmentation de 11,7 % en début de semaine suite à l'annonce de cas de grippe aviaire aux États-Unis. La société étant l'une des rares à développer un vaccin contre ce virus.
Une reprise des activités de fusions-acquisitions a également été observée, augurant d'une année 2025 prometteuse. Cette dynamique est illustrée par l'offre de rachat d'Unifirst par Cintas, comprenant une prime de 60 %, valorisant la société à 5,3 milliards de dollars.
Enfin, la saison des résultats qui commence ce vendredi avec Delta Airlines offrira plus de visibilité sur l'impact de l'élection de Trump et son investiture prévue le 20 janvier prochain.
Marchés émergents
L'indice MSCI EM a perdu 0,6% cette semaine (à la clôture des marchés jeudi). La Corée a surperformé les autres pays, avec une hausse de 4,5%, suivi du Mexique et du Brésil, avec des progressions de 2,9% et 2,3% respectivement. La Chine et l'Inde ont cédé plus de 2,8%.
En Chine, l'indice PMI manufacturier officiel du mois de décembre est ressorti inférieur aux attentes à 50,1, tandis que celui des activités non manufacturières a atteint 52,2, un niveau plus élevé que prévu. L'IPC a augmenté de 0,1% en glissement annuel, soit moins qu'en novembre (0,2%). L'IPP a diminué de 2,3% en glissement annuel, légèrement moins que les prévisions (2,4%), et progresse donc par rapport à novembre. Les ventes de logements neufs en décembre sont restées stables en glissement annuel, alors qu'elles ont baissé pendant l'essentiel de l'année 2024, ce qui témoigne de signes de stabilisation du marché après les mesures de relance du gouvernement. Le programme national de reprise des biens de consommation est étendu et élargi aux smartphones, aux appareils électroménagers et aux voitures. La Chine a augmenté le salaire de tous les fonctionnaires d'environ 5 %, soit au moins 500 Rmb/mois. Il s'agit de la première augmentation de leur niveau de rémunération depuis 10 ans. Sur le plan géopolitique, Donald Trump a demandé à la Cour suprême de suspendre la loi interdisant Tiktok et réclamé plus de temps pour une solution négociée. Parallèlement, le ministère américain de la défense a ajouté Tencent et CATL à une liste d'exclusion en raison de leurs liens avec l'armée chinoise. WuxiBio a vendu son usine de fabrication de vaccins en Irlande à Merck en prévision d'éventuelles restrictions aux États-Unis. Lors de la présentation de ses résultats opérationnels préliminaires pour 2024, Moutai a fait état d'une croissance de son chiffre d'affaires (+15,4% en GA) et de ses bénéfices conforme au consensus.
À Taïwan, les exportations de décembre ont dépassé les attentes, avec une hausse de 9,2% en glissement annuel, sous l'effet d'une demande soutenue de semi-conducteurs. Il s'agit du deuxième taux de croissance le plus élevé des exportations de tous les temps. TSMC serait sur le point d'augmenter le prix de ses plaquettes avancées de 5 à 10 % en 2025.
En Corée, les prévisions préliminaires de Samsung Electronics pour le quatrième trimestre 2024 en matière de bénéfices opérationnels ont été inférieures aux attentes, en raison d'une lourde perte dans une fonderie. Hyundai Motor a annoncé un partenariat avec NVIDIA pour accélérer le développement de solutions d'IA pour la mobilité du futur.
En Inde, la croissance du PIB 2025 est estimée à 6,4%, un plus bas sur les quatre dernières années. Les indices PMI sont retombés à 56,4 après 57,4 en novembre. Le groupe Tata a annoncé un investissement de 18 milliards de dollars dans le domaine de l'électronique et des semi-conducteurs et l'ouverture de neuf usines au cours des deux prochaines années. TSC a annoncé des résultats trimestriels inférieurs aux attentes, mais a enregistré un nombre record de contrats. Les résultats pour le troisième trimestre 2025 du joaillier Titan ont fait état d'une croissance du chiffre d'affaires de 26 % en glissement annuel, supérieure aux attentes. Le rapport d'activité opérationnelle de HDFC Bank pour le 3è trimestre 2025 a déçu avec une croissance des prêts de +3% et une augmentation des dépôts CASA (Current Account Savings Account) de seulement 4%.
Au Brésil, le PMI de décembre a reculé à 50,2 contre 52,3 en novembre, sous l'effet d'une baisse de la demande et d'une hausse des prix des facteurs de production (dépréciation du BRL).
Au Mexique, l'indice PMI manufacturier de décembre est resté stable en variation mensuelle, à 49,9. Les envois de fonds ont été importants en décembre (+29% en GA) en raison de la dépréciation du peso mexicain.
Dettes d'entreprises : Crédit
Le début d'année est marqué par un retour de la volatilité sur les taux des deux côtés de l'Atlantique avec la flambée des taux long américains (10 ans) qui reviennent flirter les 4,7%, niveau qui avait été atteint en avril 2024 sur fond de crainte d'une résurgence de l'inflation. Cette semaine, les indices ISM manufacturier et Services aux Etats-Unis et les demandes hebdomadaires d'allocation chômage en dessous des attentes ont dressé le portrait d'une économie en surchauffe.
Du côté européen les incertitudes ne manquent pas, avec un nouveau stress sur les taux britanniques (+27 points de base sur le 10 ans anglais qui vient s'établir à 4,84 %), et toujours pas de budget en France.
Dans ce contexte, le marché du crédit européen est resté relativement stable avec une performance de -0,6 % sur l'Investment Grade et de -0,2 % sur le High Yield. La forte volatilité sur les taux a néanmoins pesé sur les instruments de dette perpétuelle (corporate et financière) avec une performance de -3,6 % sur l'indice Euro CoCo Credit Suisse.
Les primes de risque sont restées stables sur la période permettant le redémarrage de l'activité primaire sur l'ensemble des segments du marché du crédit avec des primes à l'émission annoncées entre 30-40pb au-dessus du secondaire et qui finissent entre 0 et 10pb.
On notera les émissions d'AT1 de Standard Chartered, AIB et BBVA et de La Poste, ainsi que Lufthansa côté hybrides corporate. Les émetteurs High Yield Tereos et Kiloutou sont également venus se refinancer cette semaine.
À propos du groupe edmond de rothschild
Maison d'investissement de convictions fondée sur l'idée que la richesse doit servir à construire demain, Edmond de Rothschild est spécialisé dans la Banque Privée et la Gestion d'actifs. Au service d'une clientèle internationale de familles, d'entrepreneurs et d'investisseurs institutionnels, le Groupe est également présent dans les métiers de Corporate Finance, de Private Equity, de l'Immobilier et de Fund Services.
Son caractère résolument familial confère à Edmond de Rothschild l'indépendance nécessaire pour proposer des stratégies audacieuses et des investissements de long terme, ancrés dans l'économie réelle.
Créé en 1953, le Groupe comptait plus de 163 milliards de francs suisses d'actifs sous gestion au 31 décembre 2023, 2 600 collaborateurs et 28 implantations dans le monde.
GLOSSAIRE
- Les titres « Investment Grade » désignent des titres obligataires émis par des entreprises dont le risque de défaut de paiement varie de très faible (remboursement presque certain) à modéré. Ils correspondent à une échelle de notation allant de AAA à BBB- (notation Standard&Poor's).
- Les titres « High Yield » sont des obligations d'entreprises présentant un risque de défaut supérieur aux obligations Investment Grade (ou catégorie investissement) et offrant en contrepartie un coupon plus élevé.
- La dette senior bénéficie de garanties spécifiques. Son remboursement se fait prioritairement par rapport aux autres dettes, dites dettes subordonnées.
- La dette est dite subordonnée lorsque son remboursement dépend du remboursement initial des autres créanciers.
- Tier 2 / Tier 3 : segment de la dette subordonnée.
- La duration correspond à la durée de vie moyenne d'une obligation actualisée de tous les flux (intérêt et capital).
- Le spread désigne l'écart entre le taux de rentabilité actuariel d'une obligation et celui d'un emprunt sans risque de même maturité.
- Les valeurs dites «Value » sont considérées comme sous-évaluées.
- EBITDA est l'acronyme de Earnings before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization (en français : résultat d'exploitation avant intérêts, impôts et amortissement). Il mesure donc la création de richesse avant toute charge calculée. Il trouve son équivalent français en l'EBE (Excédent brut d'exploitation).
- Le terme "Quantitative Easing" désigne un type de politique monétaire dit non conventionnel auquel peuvent avoir recours les banques centrales dans des circonstances économiques exceptionnelles.
- Un « stress test » est une techniques destinée à évaluer la résistance d'institutions financières.
- L'indice PMI, pour "Purchasing Manager's Index" (indice des directeurs des achats), est un indicateur permettant de connaître l'état économique d'un secteur.
- Coco (contingent convertible bonds) : format de dette subordonnée.
- Mortgage : une hypothèque est un instrument financier de garantie d'une dette.
- Les AT1 font partie d'une famille de titres de capital bancaire connus sous le nom de convertibles contingents ou «Cocos». Convertibles parce qu'elles peuvent être converties d'obligations en actions (ou dépréciées entièrement) et contingentes parce que cette conversion ne se produit que si certaines conditions sont remplies, comme la solidité du capital de la banque émettrice tombant en dessous d'un seuil de déclenchement prédéterminé.
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